Ministère de la Communication et de la Culture : La fusion de trop !

Ministère de la Communication et de la Culture : La fusion de trop !

Le nouveau Premier ministre du Burkina Faso, Lassina Zerbo, a pris fonctions le lundi 13 décembre 2021. Il a dévoilé au cours de la même soirée son gouvernement de 25 membres, contre 34 dans la précédente équipe, et ce conformément aux engagements du chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré qui avait annoncé un gouvernement « resserré et soudé » au regard de la situation sécuritaire. Chose promise donc chose due.

Ainsi, dans cette nouvelle équipe, dite « de combat »,  on enregistre 19 départs et 10 nouveaux entrants. L’autre changement majeur, et qui n’aura échappé à personne est sans conteste la fusion de plusieurs départements ministériels. C’est alors que, parmi tant d’autres, le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme, se retrouve désormais aux crochets du ministère de la Communication et des Relations avec le Parlement. Cette fusion qui n’est pas une première dans notre pays a donné naissance à un nouveau département : ministère de la Communication, des Relations avec le Parlement, de la Culture, des Arts et du Tourisme.

De prime abord, le président du Faso est à saluer, à la fois pour la tenue de sa promesse et pour la reconfiguration de l’équipe gouvernementale. Mieux, ce remaniement indique clairement à l’évidence que le président Kaboré essaie d’être à l’écoute de ses concitoyens.

S’il est vrai que l’on ne peut pas faire d’omelettes sans casser les œufs, force est de reconnaître cependant que la fusion entre le ministère de la communication et celui de la culture va assurément faire plus de mal que de bien. Il est indubitable que l’un va prendre le dessus sur l’autre. Et l’histoire des gouvernements successifs de notre pays a montré que la culture a toujours été la grande perdante de ce type de fusion.

Le département de la culture, visiblement continue de subir de fortunes diverses. Créé en 1971, il était rattaché au département de l’éducation, puis au sport et à la jeunesse, à l’information ainsi qu’à la communication. Il a fallu attendre en 1985 pour que le regretté capitaine Thomas Sankara, leader de la révolution d’août 83,  accorde sagement un département ministériel plein à la culture. Après son assassinat en 1987, la culture avait vite retrouvé sa déchéance dans les rattachements aux différents départements. On l’a constaté, par exemple, lors du mandat du ministre Filippe Savadogo (sous le gouvernement du Premier ministre, Tertius Zongo) où l’on a donné l’impression que le ministère de la communication (pauvre par essence) était une sangsue qui se nourrissait du « sang » de la culture.

Rattachement, détachement, (re)rattachement, (re)détachement, (re)(re)rattachement et (re)(re)détachement. A quoi cela rime-t-il ?

Pourtant sans le vouloir, nos autorités actuelles viennent de porter à travers cette fusion un autre coup dur dans l’éradication complète du mal. Oui, il faut se l’avouer. Puisqu’on s’en souvient, sous Abdoul Karim Sango (actuel conseiller du président du Faso, chargé des questions culturelles), les ministres de la culture du G5 Sahel avaient, en effet, adopté, le vendredi 17 janvier 2020, la Déclaration de Ouagadougou sur la contribution de la culture à la prévention et à la lutte contre l’extrémisme violent dans les pays du G5 Sahel.

Au cours donc de la conférence de ces ministres en charge de la culture (Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Burkina) qui s’est tenue du 15 au 17 janvier dans la capitale burkinabè, il s’est révélé  que pour lutter efficacement contre le terrorisme, il fallait une prise en compte effective des systèmes de valeurs culturelles pour construire un vivre ensemble harmonieux dans leur espace commun. Concrètement, il s’agissait de contribuer de manière constructive et progressive à tuer le mal par la racine à travers la promotion des valeurs culturelles  intrinsèques en vue d’engendrer de nouvelles formes de penser et de pensées. Cette initiative va-t-elle se concrétiser en dépit de cette fusion entre communication et culture ? C’est sans doute cela la grande interrogation.

N’était-il pas indispensable et nécessaire voire légitime et juste de conserver le ministère de la culture en un département plein pour pousser plus loin la réflexion et agir maintenant ? Puisque c’était même la vision de Thomas Sankara, c’est-à-dire, ériger un Homme intègre qui n’agirait jamais comme un fou de Dieu capable de prendre une arme contre sa partie au nom d’un idéal saugrenu. Parce qu’il est dit quelque part que ce sont des Burkinabè qui attaquent des Burkinabè. Le mal est si profond et il faut simplement commencer par éduquer les populations à la base en les inculquant les valeurs cardinales. Cela relève de la compétence d’un département culturel plein. Et ce n’est sûrement pas en fusionnant la culture à la communication qu’on pourrait y arriver.

En somme le département de la culture devrait être prioritaire dans ces 26 ministères concentrés. Si les départements de la défense et la sécurité agissent sur le terrain en ce moment avec des hommes, celui de la culture devrait travailler à prévenir une telle crise et étouffer le poussin dans l’œuf.

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, certes, mais on est en droit de se demander si le ministre Ousséni Tamboura pourra se muer immédiatement en ministre de la culture et poser véritablement la réflexion sur la contribution de la culture dans la lutte contre l’extrémisme violent. Rien n’est moins sûr car chaque ministre selon sa sensibilité aura toujours une préférence pour l’une des branches de son département. Pour le moment, les acteurs culturels devraient se consoler avec Claudine Valérie Rouamba/Ouédraogo, ministre déléguée auprès du ministre de la Communication, des Relations avec le Parlement, de la Culture, des Arts et du Tourisme, jusqu’à la fin du cauchemar.

La Rédaction

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COMMENTAIRES

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    À contexte exceptionnel, mesures exceptionnelles.
    De nombreux départements sont dans cette meme difficulté.Pour ce qui me concerne , c’est le pourquoi avoir changé de personne. Quand on sait le sacrifice que cette dame a consenti pour mettre de l’ordre et surtout éviter à ce ministère des dépenses pharaoniques lors du Fespaco dernier . Au four et au moulin, elle a fait de ce festival un succès