Faso Dan Fani : Le pagne de la petite bourgeoisie

Faso Dan Fani : Le pagne de la petite bourgeoisie

Le Faso Dan Fani, et c’est un secret de polichinelle, n’est pas à la portée de tous les Burkinabè. Popularisé dès les premières heures de la révolution d’août 1983, puis délaissé après l’assassinat du président Thomas Sankara, le Faso Dan Fani va, enfin, renaître de ses cendres lors de la Transition en 2015. Ce pagne tissé traditionnel a depuis lors le vent en poupe auprès de la plupart des Burkinabè. Des stylistes à l’image des sommités comme François 1er, George de Baziri, Issa Sorogo, etc. s’en sont également fait les fervents défenseurs, en l’incluant en partie ou totalement dans leurs différentes créations. Dans le même entendement, de nombreux salons ou événements (Dan Fani Fashion Week, Journées de valorisation du Faso Dan Fani, Nuit du Faso Dan Fani, etc.),  visant sa promotion  ont vu le jour. Et cela ne semble pas s’arrêter de sitôt.

L’objectif,  comme on le voit, pour tous ces acteurs est de promouvoir ce pagne à l’intérieur et en dehors des frontières du Burkina Faso. De manière générale, ces différentes initiatives contribuent, il faut s’en féliciter, à bien des égards au rayonnement de la culture burkinabè.  Soit. Malheureusement, s’il y a bien une chose que les créateurs de mode burkinabè et les promoteurs de ces salons partagent en commun, c’est sans conteste le coût peu abordable des tenues Faso Dan Fani.

Débourser entre 25 000 F CFA et 30 000 F CFA, voire plus pour s’habiller en Faso Dan Fani est loin d’être à la portée de toutes les bourses.  Les acteurs de la mode et les promoteurs de salons ne sont pas pour autant coupables de pratiquer de tels prix. En effet, que faire quand le prix d’achat d’une pièce de tissu de Faso Dan Fasi varie, en fonction de la qualité, entre 7 000 F CFA, 8 000 F CFA, et 10 000 F CFA ? Si l’on prend en compte le nombre de pièces nécessaires pour confectionner une tenue Faso Dan Fani et les autres facteurs de production, l’on comprend aisément la fixation de ces prix.

La vision de Sankara

Les tisseuses sont, elles-mêmes, confrontées à certaines réalités  sur le terrain. Le principal facteur qui occasionne le renchérissement des prix est, en effet, selon la gestionnaire du centre Adaja de Ouagadougou, Elienai Delma,  l’absence ou la faiblesse de la subvention du prix du fil et de la teinture. La balle de fils est, à ses dires, passé de 60 000 F CFA à 90 000 F CFA, voire 110 000 F CFA à certaines périodes. D’où la nécessité pour les premières autorités de notre pays, plaide-t-elle, de renforcer les capacités des tisserands sur le plan technique (finition des produits, transformation des pagnes tissés en produits finis, teintures, techniques de tissage, etc.). En attendant, aujourd’hui, le Faso Dan Fani est et continue d’être  la tenue par excellence d’une certaine élite, incluant les personnalités politiques, administratives et les personnes nanties. Les révolutionnaires de l’époque auraient sans doute réuni certains d’entre eux sous le vocable de «petite bourgeoisie».

Il est clair que cette tendance n’aurait pas rencontré l’assentiment du père de la révolution burkinabè. Quand il en faisait la promotion ou lorsqu’il scandait «Consommons burkinabè » ou « Produisons ce que nous consommons ; et consommons ce que nous produisons », Thomas Sankara ne voyait pas le Faso Dan Fani porter uniquement par une frange minoritaire de la population. Il doit se retourner dans sa tombe en voyant le Faso Dan Fani connaitre un tel sort. C’est-à-dire une pièce de tissu exhibé lors de salons ou de défilés de mode fastes sans impact réel sur les habitudes vestimentaires des populations au bas de l’échelle, «le peuple», les pauvres qu’il a tant défendu.

Nous sommes, il faut le reconnaître, à des années lumières de la vision du leader de la révolution burkinabè. A l’Etat donc, par l’intermédiaire des ministères en charge de la Culture, de l’Artisanat et de la Femme, de jouer la partition en réduisant le coût de la matière première, et des  moyens de production. Au final, ces mesures idoines permettront, par ricochet, de lutter contre la contrefaçon du Faso Dan Fani, l’un des emblèmes de notre fierté nationale, et de notre identité culturelle.

La Rédaction

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