Burkina Faso : Du théâtre thérapeutique pour apaiser et guérir les traumatismes
Démarré en février 2023, le projet « Arts et Trauma », a officiellement été annoncé le 4 juillet 2023 à Grâce Théâtre, à travers la restitution d’un spectacle intitulé « Lagm N’zindi ». Il s’agit d’une pièce pluridisciplinaire interagissant avec les spectateurs pour apaiser et soulager des douleurs. Une démarche assez singulière que l’Association Institut de recherche théâtrale du Burkina et ses partenaires dont le Fonds de développement culturel et touristique (FDCT), entendent développer pour mieux contribuer au développement des populations.
Parti d’un constat empirique, le comédien, metteur en scène et auteur, Paul Zoungrana dit juger nécessaire et indispensable de concevoir un projet pour soigner les traumatismes suites aux attaques terroristes au Burkina Faso. Il allie, en effet, arts et science sociale pour mieux s’y prendre.
« Arts et Trauma », c’est le titre du projet qu’il a décidé de réaliser à travers l’Association Institut de recherche théâtrale du Burkina. « Nous allons vers les Personnes déplacées internes et aussi vers d’autres personnes, parce qu’on se dit qu’on est tous, d’une façon ou d’une autre, touchés par ce qui se passe dans notre pays. Et pouvoir mettre en place un projet de ce genre, nous artistes, savons que nous utilisons des médiums proches de la psychologie, puisqu’on partage des exercices communs. Nous nous sommes dits qu’il était bien d’aller vers eux (ndlr psychologues) pour renforcer nos capacités », a d’emblée expliqué Paul Zoungrana, promoteur de l’Association IRTB.
Grâce à une subvention de 39 millions FCFA du Fonds de développement culturel et touristique (FDCT) avec l’appui de l’Union européenne, dans le cadre du Programme d’appui aux industries créatives et à la gouvernance de la culture (PAIC GC), Paul Zoungrana va pouvoir expérimenter son théâtre thérapeutique, et mieux , réaliser son projet ambitieux.
Démarré il y a six mois, le projet a d’abord consisté à former des artistes en psychologie auprès de psychologues professionnels que sont Johany Bassolé, Valentin Kouraogo, Tavi Yvonne Ouattara. Pour cette dernière citée, ce n’est pas à l’entendre, une première expérience auprès des personnes déplacées, mais c’en est une avec le monde du théâtre. « Nous avons formé les artistes aux techniques de la psychologie. Tout au long du processus, nous avons participé aux échanges sur la construction de la pièce… Moi, au départ, j’étais très mal à l’aise, parce que ça réinterroge notre posture de psychologue. Un psychologue qui vient devant un public, ce n’est pas évident. Alors, c’est une position qui est très différente et ça nous oblige à réfléchir sur notre travail », a confié la psychologue et psychothérapeute, Tavi Yvonne Ouattara
La mise en œuvre du projet s’est poursuivie en mars 2023 par des ateliers artistiques (conte, chant, peinture, théâtre) au profit des PDI dans des localités dont Réo. « Il ne s’agit pas pour nous de former les PDI pour qu’ils deviennent des artistes ou à jouer du théâtre, encore moins devenir de bons chanteurs, non. C’est plutôt passer par ces médiums pour les amener à s’exprimer, à se reconnecter avec l’espoir qu’ils arrivent à retrouver l’imaginaire, parce que lorsqu’on est dans le traumatisme, on a du mal à imaginer, à retrouver des ressources créatrices qui peuvent permettre d’avancer », a soutenu Paul Zoungrana. C’est en capitalisant toute cette expérience dans les différents ateliers, dit-il que le comédien, metteur en scène et auteur, Sidiki Yougbaré (qui a aussi suivi tout le processus) a écrit la pièce pour dépeindre la rencontre des professionnels des arts et les PDI dans les sites.
Dix artistes et quatre techniciens de scène ont invité les spectateurs dans leur jeu. Il ne s’agit pas d’une pièce de théâtre classique où les comédiens jouent en étant fixés dans leur espace. C’est plutôt une pièce interactive où chaque spectateur peut jouer sa partition. Le quatrième mur est brisé, les psychologues formateurs interviennent dans la représentation pour proposer des exercices pratiques, le public exprime parfois son ressentiment, à travers danse, chant, peinture, mots, etc. Le message du spectacle « Lagm N’zindi » s’appesantit sur des valeurs et ressources locales du Burkina Faso dont la parenté à plaisanterie.
Le projet « Arts et Trauma » est conçu pour apaiser et soigner les cas de traumatisme. Il cible plus les PDI. Dans un souci de confidentialité, l’Association IRTB avoue ne pas exposer toutes ces personnes en situation difficile. C’est pourquoi, elle a, en amont sillonné discrètement et sans communication quelques localités (Fada N’Gourma, Ouahigouya, Réo, etc.) pour diffuser son spectacle. « On est déjà allé dans les sites des PDI. Cela d’ailleurs va se poursuivre. Mais, c’était important de faire un break pour médiatiser l’évènement, montrer le travail artistique à nos partenaires, trouver de nouveaux partenaires, et surtout capter le spectacle », a laissé entendre le porteur du projet, Paul Zoungrana.
« Arts et Trauma » connaîtra son épilogue en octobre 2023. Et d’autres zones attendent toujours de l’accueillir. Pour les localités difficiles d’accès, lAssociation IRTB entend projéter les captations du spectacle, en collaboration avec le Cinéma numérique ambulant et la Fédération burkinabè des cinés clubs. Aussi, il est prévu la réalisation d’un film documentaire sur tout le processus d’exécution du projet. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2023/06/15/theatre-du-spectacle-therapeutique-pour-agir-sur-la-psychologie-des-pdi/
Le spectacle « Lagm N’zindi » est encore à l’affiche, à l’espace Grâce Théâtre jusqu’au 6 juillet prochain, à partir de 19 heures 30 minutes.
Ram OUEDRAOGO
Kulture Kibaré