[Éditorial] : Entre le marteau et l’enclume!
Il y a quelques semaines, les Ivoiriens sont montés au créneau pour protester contre la hausse des tarifs imposés par les principales téléphonies mobiles de leur pays (MTN, Orange, Moov Africa). Ils ont même lancé un mouvement de boycott du réseau internet mobile.
Leur grogne semble contagieuse. Car, les Burkinabè sont rentrés dans la danse, eux aussi, il y a quelques jours. L’un des influenceurs des réseaux sociaux, Alain Christophe Traoré dit Alino Faso, à travers un post sur Facebook, a réveillé les opinions sur cette tarification de l’internet mobile au Burkina Faso. Son élan est suivi par plusieurs autres internautes.
Alors, ce tollé sur les coûts de l’internet mobile au Burkina Faso s’est avéré payant, puisque l’organe régulateur de la communication électronique au Burkina Faso, l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a vite fait de réagir sur le plateau de la télévision nationale burkinabè, puis une conférence de presse avec les principaux opérateurs de téléphonies mobiles du pays (Orange, Moov Africa et Telecel).
Les consommateurs burkinabè, toujours perplexes, croisent en ce moment les bras. Parce que pour l’instant, il ne ressort rien de concret dans les échanges entre l’ARCEP et les responsables des téléphonies mobiles. C’est pourquoi Alino Faso et tous les plaignants entendent monter d’un cran dans cette protestation. Ils prévoient un « boycott total de toutes les recharges de téléphonies mobiles » et une activation du « mode avion de 11 h à midi », le 18 avril 2023, sur toute l’étendue du territoire.
Influenceur, Alino Faso en est un. Car grâce à son exposition publique, il a su être un relais d’opinion efficace pour influencer les habitudes dans la consommation des gigas. Sinon, les plaintes s’enregistraient en longueur de journée depuis belle lurette contre ces téléphonies mobiles, mais jamais sans inquièter les décideurs. Cette fois-ci, ces derniers n’avaient d’autres choix qu’agir en un temps record. Le pays est fragile, les gens sont visiblement prêts à tout.
La lutte des consommateurs est noble et légitime. Elle a besoin d’être soutenue. Mais, consentez librement avec nous que ce mouvement de protestation aurait certainement pu faire davantage tâche d’huile si et seulement si, il était soutenu par des artistes influenceurs du pays. Vous n’ignorez pas que l’artiste qui porte la voix des sans voix, est un influenceur clé par essence. Relativisons, nous faisons allusion à ces artistes qui ont du succès et aussi de la poigne.
Malheureusement, la plupart d’entre eux, ont préféré, depuis le début de la grogne, faire la politique de l’autruche. Ils sont restés dans leur zone de confort pour ne pas payer, certainement, le lourd tribut d’une éventuelle résiliation de contrat d’ambassadeur.
C’est un secret de Polichinelle, bon nombre de ces artistes sont des ambassadeurs de Telecel, Orange ou Moov Africa.
Moussa petit sergent en est un. Lui au moins, a réagi, à travers un direct Facebook pour rappeler son lien professionnel avec Telecel. Il est un des ambassadeurs de cette téléphonie mobile. Il l’a révélé ouvertement.
Le transfuge du groupe satirique « Les Séparables », bien qu’il soit sincère est égoïste. Il aurait pu simplement se taire et continuer à profiter des largesses de son partenaire (aussi récriminé par les internautes dans cette grogne générale).
Qu’est-ce qui vous surprend donc dans cette quasi-désolidarisation de notre prix découverte Rfi talents du rire 2016 ? Naturellement, il est entre l’arbre et l’écorce. Il est dans un dilemme. Cependant, il a juste choisi de façon rationnelle de protéger ses intérêts personnels plutôt que de se mettre au service d’une cause nationale juste et noble. C’est aussi un choix rationnel non ?
Ces artistes oublient pourtant que ce sont ces mêmes consommateurs, criant leur ras-le-bol, qui font pourtant d’eux ce qu’ils sont. Il ne faut pas être amnésique.
En Côte d’Ivoire, le célèbre artiste coupé-décalé, Safarel Obiang a osé donner de la voix dans la lutte contre la hausse des coûts de l’internet. Très engagé et déterminé (dans son direct Facebook en tout cas), il a invité ses collègues à s’impliquer plus dans cette protestation. L’autre artiste très influent du coupé-décalé ivoirien, Molaré a rassuré dans un commentaire (répondant à un internaute), qu’il mène le combat à un autre niveau plus « haut ». Ils se sont ouvertement affichés pour défendre, au péril de leurs carrières ou de leurs affaires respectives. Ils s’assument parce qu’ils pensent que la cause qu’ils défendent est juste, crédible et légitime.
Au Burkina Faso, ceux, qu’on appelle prétentieusement les « monstres de la musique burkinabè », en fait, ces célébrités les plus connues, jusqu’à preuve de contraire, dans le silence absolu, courbent l’échine. Qui va oser se faire tirer les oreilles par ces téléphonies mobiles, vache à lait ? Wayi N’gaw ! Mangeons et taisons-nous parce que la lutte ne nous concerne pas. Voilà le message assez clair. C’est fort dommage !
Le client est roi, dit-on. Le consommateur qui lutte actuellement pour une proposition plus raisonnable des offres de l’internet mobile au Burkina Faso est le même qui défend bec et ongle l’artiste et lui donne de la visibilité dans les réseaux sociaux. C’est un fait.
L’artiste influent burkinabè devrait garder en mémoire que ce sont ces mêmes internautes qui aiment, partagent, commentent, téléchargent, donnent de la visibilité et de l’audience à ses créations. Il ne faudrait pas être égoïste.
La Rédaction