Laadowood de M’Babouanga: Soyons réalistes !

Laadowood de M’Babouanga: Soyons réalistes !

Le célèbre comédien Hippolyte Ouangrawa dit  M’Babouanga, très connu du public burkinabè, a dévoilé en novembre 2019 un ambitieux projet, dénommé Laadowood. D’un coût de 3 milliards de nos francs, ce studio de tournage, à l’instar de Hollywood (USA), Bollywood (Inde), et Nollywood (Nigéria) se veut un grand complexe de production de films. D’une superficie de 7 hectares, Laadowood comprendra, plusieurs édifices  dont un grand studio de tournage, des salles de maquillage, d’habillage, une boutique, un magasin et une salle de projection.

Capitale du cinéma burkinabè, Ouagadougou n’a jamais porté sur son sol un tel projet, du moins de cette envergure. Même si le projet n’est pas encore matérialisé, il convient cependant de saluer M’Babouanga pour avoir vu les choses en grand. Pour ce simple rêve, l’homme entrera dans l’histoire du 7e art burkinabè, et même africain.

Seul bémol, notre «Louis de Funès » national souhaite, pour la réalisation de Laadowood, voir les Burkinabè, mettre la main à la poche à travers un actionnariat populaire. Au regard du contexte de pauvreté ambiante, et le relatif amour des burkinabè pour le cinéma, il y a peu de chances que Laadowood sorte de terre, du moins, pas dans l’immédiat. M’Ba Babouanga gagnerait, d’ores et déjà,  à se tourner vers des financements extérieurs très pragmatiques.

Hollywood, Bollywood, et Nollywood desquels s’inspirent Laadowood n’ont pas été créés grâce à l’actionnariat populaire. Loin s’en faut. Dès sa conception au début des années 1910, Hollywood est bâti sur le  principe du « studio system ». C’est-à-dire qu’un studio contrôle tout, de la création du film à sa projection. Plus d’un siècle après, ce système est toujours en place. Hollywood comprend six puissants studios que sont Warner Bros, Universal, Paramount, Columbia (rebaptisée Sony Picture Entertainment), 20th Century Fox et Walt Disney. Hollywood est donc un ensemble de compagnies cinématographiques. Aucune trace d’un actionnariat populaire des américains.  Bien que représentant le quart de la production indienne, Bollywood, en Inde, est le studio central au pays de Ghandi.

 1800 films produits par an

Contrairement à une pratique courante en Afrique francophone due à notre héritage colonial, Bollywood n’a pas été créé à partir de financements étatiques, mais sur une contribution des OSC, des industriels et des banques. En d’autres termes, Bollywood est devenu une réalité grâce au soutien d’investisseurs privés. Quant à Nollywood, il est né et fonctionne sur le même modèle que son grand frère indien, en l’occurrence Bollywood.

Des entrepreneurs locaux investissent massivement dans la production des films. On retrouve ainsi aujourd’hui à Lagos, plusieurs centaines de producteurs prêts à investir chaque jour dans de nouveaux projets cinématographiques.

Si Laadowood devait tout de même voir le jour, et plaise à Dieu qu’il en soit ainsi, se posera à coup sûr l’épineuse question de sa rentabilité. Le cinéma nigérian génère 250 millions de dollars par an, le cinéma indien lui en génère 1,3 milliards et Hollywood,  51 milliards toutes productions confondues (films, séries etc.). Troisième puissance cinématographique mondiale en terme de nombre de sorties derrière les deux géants Bollywood et Hollywood, Nollywood produit plus de 1800 films par an et livre dans les kiosques plus de 30 films par semaines.  Cette production intensive comble une forte demande estimée entre 100 et 200 millions de consommateurs.

Laadowood, et partant le Burkina Faso  pourront-t-ils être à la hauteur, ou relever ce défi ? Hippolyte Ouangrawa (M’Babouanga) est, lui-même, conscient de l’immensité de la tâche. «Je suis le premier à poser ce joyau mais ce n’est pas évident que je vais voir la finalité. La victoire des Burkinabè serait de voir ce joyau un jour et le monde entier venir tourner des films chez eux», avait-il avoué lors de sa conférence de novembre dernier.

C’est pourquoi, au-delà de la modeste personne du comédien, le projet Laadowood,  en s’inspirant de l’exemple Nollywood, Bollywood et Hollywood, doit être porté par plusieurs autres bras. Une chose est sûre, le Burkina Faso a, à présent ou dans 10, 20 ans ou dans un siècle,  l’unique occasion de transformer le fameux slogan « Ouagadougou, capitale du cinéma africain » en une réalité tangible.

La Rédaction

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