« Rend-place ta place » : Un spectacle qui mêle la danse et les arts plastiques
La scène de l’Espace Grâce Théâtre, à Ouagadougou, a accueilli le spectacle de danse, « Rend-place ta place », dans la soirée du 8 mai 2021. C’est une chorégraphie de Abdoul Aziz Dermé, interprétée par lui-même et l’artiste plasticienne d’origine italienne, Silvia Ferraris. La pièce confronte deux univers, danse et arts plastiques dans une parfaite alchimie, et questionne notre place dans notre espace.
Assise sur une chaise au milieu de la scène, l’artiste d’origine italienne, Silvia Ferraris est pensive. Une dizaine de minutes environ, elle se livre à une bataille timide et calme avec son corps dans un mouvement dont elle et les « initiés » de la danse contemporaine comprennent le langage. Elle répète les actions tout en procédant au marquage horizontal de la scène à l’aide de cordes et de scotch. Quelques minutes après, le danseur chorégraphe interprète burkinabè, Abdoul Aziz Dermé fit son entrée avec une fringue des colons d’autrefois. Nous sommes en plain-pied dans le spectacle « Rend-place ta place ».
C’est un duo. Les deux danseurs multiplient alors les gestuels. Tantôt les mouvements sont accélérés de façon énergique, tantôt ils sont posés et freinés. Comme s’ils sont peinés, les deux corps sur la scène s’embarquent, au constat, dans un univers d’insatisfaction et dans un éternel recommencement. Ils changent sans cesse d’espaces sur la scène. Dans le jeu, Abdoul Aziz Dermé fait plus de sensations dans ses mouvements, tandis que sa coéquipière, Silvia Ferraris peint les corps et danse aussi.
La description vous paraît assez bizarre. Mais le public, dominé d’expatriés européens suit la scène tout aussi attentif. D’un air évasif certainement, il se pose les mille et une questions sur la thématique. Le duo sait en revanche de quoi parle le spectacle. « La thématique générale parle de liberté. Les libertés sur toutes ses formes. On a vraiment été frappé par l’image de Nelson Mandela dans sa prison qui était en réalité libre entre quatre murs », a confié le chorégraphe burkinabè de la pièce.
Pour aider certains à mieux décrypter le message corporel, il explique : « nous voulons exprimer ce côté imparfait des choses. Parce que si vous avez remarqué, nous avons commencé bien habillés et nous avons terminé dans le désordre. Et si on renversait les choses ? Nous avons tendance à aller du désordre pour aboutir à l’ordre. C’est l’idée aussi de se dire, ah tiens ! Là où je suis, je ne reste pas là. D’où le perpétuel mouvement, d’où la perpétuelle recherche. C’est ce qui fait que vous percevez les élans non aboutis, freinés,… on recherche, on cherche, on essaie de trouver d’autres horizons, d’autres places. Et tout est vraiment un perpétuel mouvement ».
Dans « Rend-place ta place », Abdoul Aziz Dermé et Silvia Ferraris sont pourtant de deux disciplines distinctes. Le premier est un danseur-chorégraphe aguerri et sa compagne de scène est une artiste plasticienne. C’est d’ailleurs la première création de cette dernière dans un spectacle de danse chorégraphique. « Je me suis retrouvée dedans. J’ai aimé », manifeste Silvia Ferraris.
De la confidence de Abdoul Aziz Dermé, il avait simplement envie d’innover. « J’ai jugé bon qu’il fallait innover. Nous avons l’habitude d’aller au vernissage pour apprécier des tableaux. Personnellement, je me suis posé la question, pourquoi ne pas exposer cet art, très contemplatif en le transférant sur la scène en live pour faire danser l’artiste plasticienne avec sa peinture ? », a-t-il laissé entendre.
C’est alors que de fil en aiguille, la réflexion s’est mûrie en avril 2020 avec pour but de questionner la place de l’être. Qui est-ce que je suis ? Où je suis ? Quelle est ma place ? Est-ce que je dois être là en ce moment ? Est-ce que je suis satisfait ? Est-ce que je suis dans le bonheur ?
Avec le soutien du Fonds de Promotion Culturelle (FPC) du Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA) et d’autres appuis, Abdoul Aziz Dermé et son équipe sont allés en résidence de création, assortie d’une représentation de restitution. Le 24 avril passé, le duo a présenté officiellement « Rend-place ta place » à l’Espace culturel Gambidi avant l’étape de l’Espace Grâce Théâtre. Les deux artistes envisagent avec toute l’équipe technique dont Amadou Sondo assurant harmonieusement le son et la lumière du spectacle, de toucher le plus grand public au Burkina Faso et également dans le reste du monde.
Malick SAAGA