Refus de visa aux artistes africains : Que vaut un Noir ?

Refus de visa aux artistes africains : Que vaut un Noir ?

La représentation « La rivière sacrée » de l’artiste comédienne et conteuse burkinabè, Tipoko Zongo, prévue les 26 et 28 août 2022 au Festival international des personnages animés « FUGURATEVI » à Pérouse, en Italie, n’a malheureusement pas eu lieu. Et pour cause. En juillet dernier, elle n’a pas obtenu son visa du consul général de France à Ouagadougou au nom de l’Italie. Des raisons ont été avancées : « Doutes raisonnables quant à votre volonté de quitter le territoire des états membres avant l’expiration du visa ». Valable ? Loin d’en faire un procès, à chacun d’épiloguer.

Mais, retenons que la même pièce « La rivière sacrée » est prévue pour se tenir en octobre 2022 en République démocratique du Congo (RDC) et en décembre 2022 au Kenya. Ces représentations vont-elles se tenir dans ces pays sans la présence de Tipoko Zongo, puisque le consul général de France à Ouagadougou estime qu’une fois sur le sol italien ou celui de l’espace Schengen, la comédienne et conteuse burkinabè s’y éternisera peut-être ? Ou la RDC et le Kenya font-ils partie de l’espace Schengen ?

A en croire la diplômée en arts dramatiques de l’Ecole supérieur de théâtre Jean-Pierre Guingané (EST/JPG), bien évidemment Tipoko Zongo, très déçue, le motif avancé pour son refus de visa aurait pu être légitime si toutefois elle avait fourni un dossier incomplet ou inexact. Mais, non. Il s’agit ici d’un refus fondé sur le « doute ». Un doute qui fait aussi douter de ce doute « diplomatique ». Et cela reviendrait à alourdir l’esprit de doute sur cette énième humiliation des artistes à la demande d’un visa étranger.

Le comble est qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé ou accidentel. Des artistes musiciens tels Floby, Awa Boussim, Marie Gayérie, Pamika, etc., il y a quelques années de cela, ont aussi essuyé le même refus sinon subi la même humiliation de la part des consulats occidentaux ou américains.

Et encore, plus récemment, la star pop nigériane, Yemi Alade, alors tête d’affiche du Festival international Nuits d’Afrique au Canada, s’est vu refuser son visa d’entrée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ainsi que des membres de son orchestre. La seconde demande initiée par cette célébrité nigériane en ce sens est restée vaine. Ici encore, des raisons totalement subjectives voire ridicules ont été soulevées. Selon le service d’immigration du Canada, Yemi Alade risque de s’installer définitivement  au Canada. Un non-sens ! D’ailleurs drôle ! La star africaine et mondiale s’est pourtant déjà rendue dans de nombreux pays tels la Grande Bretagne, la France, la Belgique pour des enregistrements et des concerts. Cependant, elle n’y est pas restée définitivement.

«  A quand l’Afrique ? » s’interrogeait l’immense historien burkinabè, feu Joseph Ki-Zerbo. A lire ce livre engagé, vous percevrez, comment l’auteur invite cette Afrique marginalisée, humiliée, rejetée, pillée à conquérir son identité et se faire valoir. A quand donc la fin du traitement rabaissant sur l’artiste Noir ? A quand le minimum de respect à l’artiste professionnel burkinabè ? Ces humiliations sur un artiste du continent Noir doivent impérativement interpeller l’élite politique notamment sa franche diplomatique. Parmi les artistes, il y a certes des plaisantins, mais il y a les professionnels. Et ce n’est pas un doute qui peut distinguer la bonne graine de l’ivraie. Il faut plus.

Les artistes occidentaux ou américains qui souhaitent venir au Burkina Faso essuyent-ils de tels refus de visa ? Au contraire, ils y entrent et en ressortent comme dans un moulin. L’Afrique Noire, de notre humble avis, se révèle être un marché, un dépotoir où les pays dits « forts » y font ce qu’ils veulent.

Nous sommes indignés, si outrés de voir un artiste professionnel subir autant d’humiliation. C’est une avanie. Il est question ici d’artiste. Et un artiste est le porte-étendard voire le portail d’une identité sociale. Il est un véritable ambassadeur culturel de sa société. L’humilier, c’est humilier toute une culture. 

Or, en cette ère de mondialisation, la culture est devenue, tout comme le sport, un langage universel et qui réunit les peuples. D’autant plus que, vous le savez si bien, en cette période difficile sécuritaire contraignant la restriction des mouvements des artistes sur leur propre territoire, chaque occasion de collaboration artistique à l’extérieur est une opportunité à saisir, une vraie bouffée d’oxygène. Mais hélas ! Que vaut le sort d’un artiste Noir ?

Aller en Europe ou aux Etats-Unis revient-il à aller sur la lune ou la planète Mars ? Les missions diplomatiques européennes et américaines doivent donc revoir leur copie pour ne pas être taxées à tort ou à raison de ségré….. Sinon, il revient également à nos autorités d’appliquer le même traitement humiliant et très rabaissant. Si le Burkina Faso est un Etat souverain, vraiment, il doit songer à imposer aussi les mêmes « complications » administratives, que dis-je, la même prosternation à peine voilée.

La Rédaction

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