Spectacle d’ouverture du FESPACO 2021 : Finances « bloquées », situation confuse, le chorégraphe Serge Aimé remonté contre la ministre de la Culture

Spectacle d’ouverture du FESPACO 2021 : Finances « bloquées », situation confuse, le chorégraphe Serge Aimé remonté contre la ministre de la Culture

Nous sommes à douze jours de la grande fête du cinéma africain, c’est-à-dire le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO). Cette 27e édition se tiendra du 16 au 23 octobre prochain. Il est prévu à cet effet, un spectacle d’ouverture et de clôture. L’international danseur chorégraphe burkinabè, Serge Aimé Coulibaly a été commis à cette tâche. Seulement, les finances sont « bloquées », les répétitions sont suspendues, la situation est confuse et le dialogue de sourds se poursuit entre notre chorégraphe et la ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme (MCAT), Foniyama Elise Ilboudo/Thiombiano. Indécis et soucieux du grand défi à relever, le temps imparti pour boucler la création ne joue pas en sa faveur. Le chorégraphe a convoqué toutes les personnes engagées dans son spectacle en vue d'exposer la situation dégradante. De ses explications, il ressort clairement que le dialogue est presque rompu entre lui et la ministre. Va-t-il poursuivre le projet ? Lui-même ne le sait plus.

Serge Aimé Coulibaly n’est plus à présenter. En tout cas, pas dans le domaine de la danse et de la chorégraphie en Afrique et dans le reste du monde. Pour les Belges et toute l’Europe, c’est une icône. Il a engrangé plusieurs distinctions internationales dont le prix d’honneur au Golden Afro Artistic Awards en octobre 2020 à Bruxelles.

C’est sans doute la grande réputation de cet homme, sa classe mondiale et sa riche expérience qui ont convaincu le délégué général du FESPACO, Alex Moussa Sawadogo à l’adouber, en février 2021 pour faire rêver les Burkinabè, les Africains et le monde entier à l’ouverture et à la clôture de la 27e édition de la biennale du cinéma.

Serge Aimé Coulibaly

La vision d’un spectacle d’ouverture de rêve

Selon Serge Aimé Coulibaly, la perception que le monde a aujourd’hui du Burkina Faso n’est pas du tout reluisante. Le pays est peint en rouge du fait de la crise sécuritaire dégradante. De la vision du chorégraphe, il faut redorer le blason en présentant un spectacle d’ouverture très résilient, rêveur et qui cadre si bien avec le présent thème : « nouveaux regards, nouveaux défis ». Pour ce faire, il a entamé un travail de recherche à travers une exploration de l’environnement artistique au niveau national et international. « J’ai passé trois à quatre mois en train de regarder les cérémonies d’ouverture de tout ce qui existe dans le monde. Je peux vous expliquer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, celle des César, des Oscars, des Cannes, etc. Du coup, la proposition que j’ai faite est originale pour le Burkina Faso », a-t-il expliqué d’emblée.

Aussi, il lui a fallu un travail préalable de prospection du site d’ouverture pour éviter les désagréments pendant la cérémonie au Palais des Sports Ouaga 2000. « En février, quand on m’a dit, tu organiseras le spectacle du FESPACO, je me suis dit qu’il faut un directeur technique qui s’y connaît bien. Dans la sous-région, j’ai fait appel à Abdou Diouf qui est le directeur technique de l’Institut français de Dakar, il était aussi le directeur technique du festival mondial des Arts nègres… », a soutenu Serge Aimé. Mais, ira-t-il au bout de son projet d’ouverture du FESPACO 2021 ? Pour l’heure, rien n’est sûr et c’est confus.

Le chorégraphe exposant la situation aux artistes à Ouagadougou et par visioconférence à Bobo-Dioulasso

De la conception du spectacle

Depuis mars/avril 2021, Serge Aimé Coulibaly dit avoir commencé à réfléchir avec son équipe sur un scénario ou encore sur une très bonne conception d’un spectacle à la hauteur des attentes. « En août 2021, on s’est réunis dans une résidence pour créer tout le scénario. Le DG du FESPACO a souhaité que la cérémonie soit callée au maximum 1 heure 30 minutes. On s’est mis à travailler », a-t-il relaté.

Dans sa conception du spectacle d’ouverture, les Burkinabè et le monde entier découvriront le pays des Hommes intègres et les grandes sommités culturelles et artistiques africaines et burkinabè surtout. Serge Aimé Coulibaly a cité Amzy, Awa Boussim, Smockey, Didier Awadi, Souké et Siriky, Mouna N’Diaye, Gustave Sorgho, Odile Sankara, Oyou, qui devraient entre autres jouer leur partition.

Le budget proposé par Serge Aimé Coulibaly

Il a de ce fait soumis son idée et a laissé le soin au délégué général du FESPACO et ses collaborateurs de ressortir approximativement les différents budgets des spectacles d’ouverture et de clôture des FESPACO passés. Et c’est sur la base des budgets alloués des éditions précédentes qu’il a fait sa proposition. « J’ai proposé un budget légèrement en dessous de ce qui se faisait d’habitude », a confié le chorégraphe. Il a évoqué un montant d’à peu près 85 millions FCFA qui a été approuvé par le DG du FESPACO.

La ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme, Foniyama Elise Ilboudo/Thiombiano

La ministre n’était pas au courant du budget ?

« On a réglé tous les détails du budget et c’est alors que la ministre de la Culture est entrée en jeu. J’appelle en vain le DAF du FESPACO qui me renvoie à son DG. Ce dernier m’avoue qu’il ne peut plus rien faire, mais qu’il me suggère d’appeler la ministre, car c’est à son niveau que tout est bloqué », a révélé Serge Aimé Coulibaly. Pourtant, à l’en croire toujours, il a déjà investi des fonds propres d’environ 15 millions FCFA pour les travaux préalables de l’organisation du spectacle d’ouverture. De ses dires, il ne dispose plus de liquidité pour continuer les répétitions avec l’équipe tant que les finances ne seront pas débloquées. Il a entrepris de rencontrer physiquement la ministre en charge de la culture . « Elle m’a dit, de toute façon je n’étais pas au courant que vous étiez choisi pour faire le truc. Tout ce que vous dites, c’est nouveau pour moi. Je ne suis au courant de rien. D’ailleurs votre budget, je ne suis pas au courant, ce n’est pas dans notre budget. Il faut tout recommencer à zéro », a rapporté le danseur. Selon toujours sa confidence, la ministre n’a pas voulu entendre raison et a même proposé 20 millions FCFA comme budget à allouer.

Situation confuse à 12 jours de l’ouverture du FESPACO

L’affaire est restée en l’état. Toute confuse! Le chorégraphe est indécis à douze jours de l’ouverture. Le DG du FESPACO semble ne pas disposer de pouvoir pour débloquer les finances. La ministre de la Culture a visiblement désapprouvé le budget du chorégraphe. Le temps imparti est de plus en plus insoutenable.

Le chorégraphe dans un discours franc

La rupture semble être consommée entre la ministre et le chorégraphe

Mais il se fait entendre dans les coulisses, ce qu’a informé Serge Aimé Coulibaly que l’étau se resserre sur lui. Il aurait entendu que des personnes sont contactées en ce moment, notamment des artistes pour le spectacle d’ouverture et de clôture de la même 27e édition du FESPACO. «  Quand on jouait en Grèce, au festival d’Athènes, je prends l’avion j’atterris à Ouagadougou et j’apprends qu’on est en train de contacter des artistes, Awa Boussim, Alif Naaba qui est dans mon scénario, etc. En fait, ils veulent reprendre mon scénario. Il y a d’autres personnes qui sont en train d’appeler les gens pour faire ça. Malheureusement, ce qui est génial dans ce pays-là, c’est que tout le monde est ami de tout le monde et tout le monde est ennemi de tout le monde », a-t-il regretté.

« Aujourd’hui, où je vous parle, personne ne m’a dit tu ne fais plus, personne ne m’a dit tu fais. La seule chose que je sais, c’est qu’il n’y a pas d’argent », a-t-il conclu.

Après la rencontre, une idée de révolte est née. Les artistes se concertent et attendent le mot d’ordre.

Malick SAAGA

Kulture Kibaré    

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COMMENTAIRES

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    Bel article.
    Félicitations.