Ousmane Djiguemdé, Secrétaire technique de l’IPN : « C’est un travail à reprendre totalement »

Ousmane Djiguemdé, Secrétaire technique de l’IPN : « C’est un travail à reprendre totalement »

Diplômé de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), Ousmane Djiguemdé est un Conseiller d’administration scolaire et universitaire au ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme (MCAT). Il a été nommé le 6 août 2020 en Conseil des ministres, comme Secrétaire technique de l’Institut des Peuples Noirs (IPN) et officiellement installé dans ses fonctions, le 23 mars 2021 à Ouagadougou. Nous l’avons rencontré, le 29 mars 2021, pour des échanges portant sur le secrétariat technique de l’IPN, sa politique, son fonctionnement, ses aspirations, etc.

Kulture Kibaré (K.K) : Pouvez-vous nous présenter l’IPN pour commencer ?

Secrétaire technique de l’IPN (ST/IPN) : Pour planter le décor, l’IPN est un institut qui a vu le jour par la volonté des anciens. C’est à la suite d’un voyage que le Président Thomas Sankara a effectué à Harlem, que l’idée de la création d’un institut est née. Alors, à son retour à Ouagadougou, il a mis en place ce qu’on a appelé un comité technique pour réfléchir sur la faisabilité de la mise en place d’un institut qui aura en charge les questions liées aux peuples noirs. C’était précisément le 13 février 1985. Et c’est le professeur Prosper Kompaoré qui a été porté à la tête de ce comité technique de réflexion. A la suite de cet acte, le Président Thomas Sankara a obtenu l’accompagnement du PNUD et de l’UNESCO pour porter la réflexion. Il y a eu deux missions d’un expert de l’UNESCO en la personne du professeur Basile Kossou, qui a aussi sillonné l’Afrique pour voir les institutions qui existaient afin d’éviter qu’on ne crée de nouvelles institutions qui s’enjambent et se piétinent dans les objectifs. Il y a eu les rapports de mission qui ont confirmé que l’idée d’un institut était pertinente mais qu’il ne fallait pas seulement se limiter à un cadre de recherche. Parce qu’à l’origine, c’est ce que le Président Thomas Sankara avait voulu. On est allé au-delà du cadre de recherche. C’est ainsi qu’un symposium international a été convoqué en avril 1986 pour mener la réflexion sur la faisabilité où il y a eu beaucoup de participants de par le monde. Pour résumer, l’IPN, c’est la somme de l’ensemble des processus des peuples noirs pour pouvoir s’émanciper et pouvoir aussi se remembrer. Vous n’êtes pas sans savoir que la grande communauté noire a été disloquée un peu partout dans le monde. Le processus donc de réflexion de l’IPN consistait justement à remembrer la communauté noire, à lui trouver un cadre de réflexion, pour pouvoir partager ses idées mais pouvoir également s’assumer en tant que peuple noir, en tant que citoyen noir qui peut participer à la civilisation mondiale.

Ousmane Djiguemdé officiellement installé dans ses fonctions par la Ministre Culture depuis le 23 mars 2021

K.K : Dites-nous quel est aujourd’hui l’intérêt de l’IPN pour l’Afrique en général et le Burkina Faso en particulier ?

ST/IPN : L’IPN n’est pas exclusivement pour l’Afrique. L’IPN, c’est pour l’Afrique et l’ensemble de sa diaspora dispersée dans le monde. Comme on peut bien le constater à l’article 1 de la convention qui a créé l’IPN, le 10 avril 1990, l’IPN est un cadre adéquat de rencontre et d’expression vivante de la volonté commune des peuples noirs, de préserver leur identité culturelle, leur génie et leur dignité. Voici donc le principal objectif, ou du moins l’intérêt principal de la création de cet institut. C’est un cadre qui va servir à remembrer toute la communauté mais aussi à participer, à travers la réflexion, les questions politiques, la reconstitution de l’histoire et également la valorisation du potentiel culturel des peuples noirs à la civilisation universelle.

K.K : Pourquoi avoir érigé l’IPN en Secrétariat technique du Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme (MCAT) et non une institution entièrement indépendante répondant directement du Président du Faso ?

ST/IPN : Vous avez raison. Quand on dit que l’IPN est une institution qui jouit des privilèges de l’extraterritorialité et de la personnalité juridique qui va avec, ainsi que des prérogatives d’immunité diplomatique, c’est que l’IPN devait être justement piloté à un niveau stratégique supérieur. Mais il se trouve que dans notre contexte, l’IPN de sa création jusqu’à ce qu’il disparaisse dans les structures du ministère n’avait pas achevé sa mise en œuvre. Nous étions, juste dans la première phase. L’option que le Gouvernement du Burkina Faso a choisi, c’était d’abord de revoir la forme administrative qui convient à notre arsenal juridique pour pouvoir réveiller cette structure et rassembler les éléments qui nous permettraient effectivement de remettre à jour cet institut. Parce qu’il faut reconnaître qu’il y a beaucoup d’éléments dont on n’a plus la maîtrise. Ce qui convenait c’était d’avoir une structure transitoire qui va mener le processus jusqu’à la renaissance pleine et entière de l’institut. Et quand on examine notre arsenal juridique, la forme qui convient et qui correspond juridiquement, c’est le secrétariat technique. Quand vous examinez le décret 2016, portant organigramme type des départements ministériels, vous verrez que c’est ce type de structure qui convient.

K.K : Quels sont les départements et les compétences au sein de l’IPN ?

ST/IPN : La structure nouvelle qui est le secrétariat technique de l’IPN, est une structure dont la mission essentielle est de parvenir à l’organisation d’un symposium pour re-contextualiser l’IPN d’abord et ensuite la convocation du congrès des peuples noirs. Parce que c’est le congrès des peuples noirs qui est l’instance suprême de l’IPN. Notre mission essentielle, c’est la mobilisation au niveau national et international. Le Gouvernement a trouvé nécessaire que pour conduire cette mission l’IPN soit doté de trois départements essentiels. Le premier département, c’est un département de la capitalisation des ressources et du renforcement des capacités institutionnelles de l’IPN. Ce département va réfléchir à la capitalisation des ressources mais aussi voir sous quelle forme l’IPN doit être conduite à nos jours ? Il y a ensuite le département de la prospective et de la mobilisation internationale. Ce département va essayer de voir quel type de mise à jour il faut au fil du temps par rapport à ce que l’IPN était avant. Comment est-ce qu’il faut faire un profilage pour avoir une institution viable dans les années à venir ? Egalement, contribuer à la mobilisation internationale, parce qu’il va s’en dire qu’en ce qui concerne la mobilisation internationale, ce sont les prérogatives du chef de l’Etat accompagnées par le ministère des Affaires étrangères. A ce niveau, c’est un rôle d’accompagnement. Nous allons identifier les différents chemins et nous allons faire des propositions. Le dernier département, c’est celui de la communication et de l’organisation des cadres de concertation. Vous savez que pour faire une bonne mobilisation aussi bien nationale qu’internationale, il nous faut bien communiquer sur l’intérêt même de l’IPN. Comment est-ce qu’aujourd’hui l’IPN peut encore être viable à travers ses objectifs qui sont toujours d’actualité ? Comment transmettre le message pour pouvoir faciliter la mobilisation ? Ce département va aussi s’occuper de l’organisation des cadres de concertation, ça veut dire, les grandes rencontres. C’est ce département qui va donc organiser surtout le symposium et le congrès. Voici en tout, les trois départements qu’on aura. Bien sûr, à l’intérieur il y aura des services mais ce sont ces trois départements qui seront au sein de la structure technique pour pouvoir mener la réflexion et conduire les missions. Pour les compétences, il faut dire que ce sont des structures purement administratives qui sont chargées de contribuer à la mobilisation. Les compétences seront définies plus tard par la direction des ressources humaines suivant les instructions de madame le ministre.

Dans son bureau de Conseiller du ministre où s’est déroulé l’interview

K.K : Vous êtes officiellement installé dans vos fonctions, quelle est votre politique pour mener à bon port cet institut ?

ST/IPN : En terme de stratégie pour mobiliser au niveau national et au niveau international, nous allons d’abord rassembler les anciens qui ont travaillé à l’IPN notamment les anciens directeurs généraux de l’IPN, les anciens travailleurs de l’IPN pour comprendre davantage la logique qui a prévalu, comprendre les écueils qu’ils ont eu, et aussi comment est-ce qu’ils ont conduit la mobilisation en son temps ? Nous allons aussi nous appuyer sur des outils que l’IPN avait eu en son temps comme les clubs IPN, l’association internationale de soutien à l’IPN. Ce sont des structures qui peuvent servir mais il ne faut pas qu’on perde aussi de vue que dans la convention de l’IPN, il y a un volet qui est ouvert pour les associations et également pour les personnalités du monde noir. Ce sont des aspects qu’il faut tenir compte pour pouvoir mobiliser davantage, pour pouvoir faire adhérer l’ensemble des fondations, des associations qui luttent pour la valorisation des peuples noirs. Toutes ces branches, nous allons les explorer et voir comment est-ce qu’on va parvenir à la mobilisation.

K.K : Quels sont les moyens dont dispose l’IPN pour son fonctionnement ?

ST/IPN : Les moyens, c’est le budget de l’Etat. C’est le budget du ministère de la Culture. Parce que c’est une structure purement administrative en attendant qu’elle soit fonctionnelle et qu’elle soit pleinement internationale comme on le souhaite, après la convocation du congrès qui est l’instance suprême de l’IPN.

K.K : Quelles sont les connexions de l’IPN dans le monde ?

ST/IPN : Tout est à reconstruire, parce que la seule chose aujourd’hui dont on peut se prévaloir pour relancer cela, c’est qu’il y a un contexte mondial qui est favorable à cette institution. C’est vrai qu’à l’origine l’IPN, côté africain,  n’avait pas bénéficié de la mobilisation nécessaire parce qu’il y avait un contexte sociopolitique qui était là et qui n’était pas favorable. Mais aujourd’hui, le contexte est favorable et la pression est assez forte autour de la renaissance de cette institution. Voilà pourquoi le chef de l’Etat a pris l’engagement de relancer l’institution parce qu’il sait que c’est une institution qui est d’actualité. C’est le premier aspect. Le second aspect, c’est que le chef de l’Etat a pris également l’engagement de faire en sorte qu’il y ait derrière cela une volonté politique. C’est pourquoi il l’a mis dans son programme de société, 2020-2025. Nous avons ses appuis. Nous avons également au niveau international, des personnalités qui vont nous appuyer. Mais comme tout est à reconstruire, il faut dire qu’il y a des connexions à refaire nécessairement. Les connexions anciennes n’existent pas. La plupart des personnalités qui étaient autour de l’IPN sont très anciennes, d’autres ne sont plus actives et une bonne partie n’est plus de ce monde. C’est un travail à reprendre totalement.

K.K : Au soir du bilan de votre mandat, qu’est-ce qui pourrait vous satisfaire dans votre gestion ?

ST/IPN : Quand vous prenez les textes notamment le décret type portant organisation des départements ministériels, le secrétariat technique a une durée de vie de cinq ans. Ça veut dire que durant notre mandat, qui ne peut pas excéder cinq ans, nous devons pouvoir avoir au soir de notre mandat, une direction générale de l’IPN pleinement fonctionnelle. Ça veut dire, une institution internationale avec l’ensemble de ses prérogatives donc l’extraterritorialité, l’économie financière et l’ensemble des immunités diplomatiques qui vont avec. Voici, ça sera notre satisfaction au soir de notre mandat. Mais pour y arriver, il faut d’abord qu’on convoque un symposium international pour re-contextualiser parce que le contexte d’il y a trente-un an et le contexte d’aujourd’hui ne sont plus les mêmes. Quand vous prenez certaines institutions comme l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) qui est devenue aujourd’hui, l’Union Africaine (UA), ou lorsque vous prenez la Communauté des Etats Européens devenue aujourd’hui Union Européenne, vous constatez qu’il y a beaucoup de changement qui sont dû essentiellement aux exigences de la mondialisation.

K.K : Qu’avez-vous de plus important à ajouter ?

ST/IPN : Ce que j’ai comme important à ajouter, c’est surtout d’inviter la communauté nationale, les associations, les scolaires, les étudiants et aussi les coutumiers, les religieux à adhérer à la démarche de relance de l’IPN. Parce que c’est un institut qui va ouvrir bien d’opportunités, c’est un institut qui va nous permettre de parvenir à notre émancipation en tant que peuple noir, en tant que citoyen noir du monde qui prend part activement à la construction de la civilisation de l’universel. C’est donc un appel à la mobilisation nationale, mais aussi à la mobilisation internationale.

Interview réalisée par Malick SAAGA

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