Elections miss au Burkina : Où est cette véritable dimension symbolique ?

Elections miss au Burkina : Où est cette véritable dimension symbolique ?

Au Burkina Faso comme dans les autres pays africains dits « pays en voie de développement », se tiennent des concours de beauté communément appelés « élections miss ». Il s’agit d’une compétition qui, sur la base de critères subjectifs, farfelus voire pervers, désigne la « plus belle fille » du pays. Elue miss, celle-ci se doit de défendre l’image de tout un pays ou à être son ambassadrice, tout au long de son mandat, avec ses atouts physiques et ses charmes.

Depuis quelques années, ce concours national de beauté se tient, au Burkina Faso, sans que l’opinion publique saisisse la dimension symbolique si l’on considère que toutes les sociétés du monde reposent chacune sur une culture intrinsèque et que l’individu en est le parfait reflet. Cela dit, à quel besoin symbolique répond l’élection miss au pays des Hommes intègres ?

Car, toute miss élue doit être la mesure, le visage identitaire de la société dont elle est issue. C’est pourquoi les critères de sélection ne doivent pas être machinalement calqués sur ceux d’une autre société donnée. Au contraire, ils doivent plutôt se reposer sur des valeurs sociétales qui magnifient la femme africaine et burkinabè en particulier, et qui ne l’exposent pas indécemment sur la place publique.

Chez nous, l’élection de la plus belle femme est le monopole d’une entreprise indépendante. Il s’agit d’un regroupement de personnes à travers une organisation à but lucratif, et qui s’inscrit donc dans une rationalité économique. De la première étape du concours à la dernière, tout est mis en œuvre pour un retour sur investissement. Il faut alors mobiliser tout un arsenal communicationnel et logistique pour appâter une certaine couche de la société disposant d’un pouvoir d’achat. C’est du business. Et nous le savons tous, la perversité attire. Allons-nous, pour autant continuer à faire de l’élection miss au Burkina Faso, un évènementiel lucratif tout en occultant l’aspect symbolique ?

Une élection miss doit-elle mettre en exergue la beauté d’un corps qui ne reflète pas une identité intrinsèque? Sur la question, Marcel Mauss soutient que : « les techniques du corps sont l’art d’utiliser le corps humain, ou c’est la méthode par laquelle l’individu ou la société utilise son corps d’une manière habituelle ».

Si le corps est plus qu’un simple objet et considéré par les sociologues comme un phénomène social, qu’en est-il de l’élection miss au Burkina avec des tenues vestimentaires (bikini, robe de soirée, maillot de bain, etc.) qui ne reflètent pas la plupart, l’identité du pays ? La modernisation rime-t-elle avec l’acculturation ? Pour Pierre Bourdieu, le « corps » dans sa signification la plus absolue n’est que pur produit de la totalité socioculturelle. Il considère ce terme donc comme un héritage transmis par la succession historique des civilisations. Autrement dit, le corps est une « carte d’identité » originale et authentique d’une société. Mais jamais, dans une élection miss au Burkina Faso, les traits distinctifs corporels symboliques (tatouages, cicatrices, etc.) de nos différentes communautés ne sont mis en exergue. Ce qu’il faut dans ces entreprises, c’est un visage et des cuisses polis, des mèches occidentales ou brésiliennes, un discours pédant, etc.   

Il y a plus une dimension culturelle symbolique (corps comme phénomène social) à valoriser dans une élection miss plutôt que ces vices faisandés. C’est une lapalissade de dire qu’en ce 21e siècle, nous tendons à une vitesse grand V vers l’uniformisation du monde. Dans cette mondialisation effrénée, les cultures dites « inférieures » sont impitoyablement piétinées et se voient imposer la civilisation oligarchique. Et malheureusement, comme des moutons, nous suivons le troupeau, que dis-je la mode…

La Rédaction

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