L’agonie de certaines salles obscures: Diagnostic d’un mal profond

L’agonie de certaines salles obscures: Diagnostic d’un mal profond

La fermeture ou la disparition progressive de certaines salles de cinéma, en dépit des efforts des politiques, est un mal qui perdure au Burkina Faso. Des salles obscures, à certains endroits, ont été transformées en dépotoir, poubelle, nid de tous les vices. Le mal est si profond et la pilule est amère à avaler quand il s’agit de notre cher pays, capitale du cinéma africain. Quel paradoxe ! Et la promesse de l’Etat de construire une dizaine de salles tarde toujours à se concrétiser sur le terrain.

Aujourd’hui, Ouagadougou, qui abrite tous les deux ans, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), possède entre 5 et 7 salles, voire moins, véritablement fonctionnelles. Qu’est-ce qui a tué nos salles obscures qui grouillaient pourtant de monde, il y a de cela deux décennies? Les causes sont multiples.

L’une des raisons de cette situation, est sans doute, le faible budget alloué à ce secteur. Les financements, à défaut de disparaître carrément, ont fondu comme du beurre au soleil malgré le geste exceptionnel du Président du Faso Roch Marc Christian Kaboré. Celui-ci avait accordé un milliard de FCFA, l’an dernier, en guise de soutien à la production cinématographique.

Quant aux institutions financières de la place, en l’occurrence les banques, elles se méfient d’un tel secteur qui pour elles, n’est pas rentable. Face à cette absence de financement bancaire, il est évident que les promoteurs se débrouilleront avec des productions au rabais ou mettront  simplement la clé sous le paillasson.

Aussi, hormis les taxes (18%) qui constituent un goulet d’étranglement pour les exploitants, une autre explication est sans conteste la disparition de la billetterie occasionnée par la fermeture de la Société nationale du cinéma au Burkina Faso (SONACIB). Résultat! Des problèmes de répartition des recettes, sur fond de suspicion de fraude ou de détournement,  entre exploitants et producteurs ont surgi.

Et comme si cela ne suffisait pas, Internet (téléchargement de films), la piraterie, pour ne citer qu’eux, sont venus tout chambouler. Mais la réouverture des salles obscures ou la construction de nouvelles constitue-t-elle véritablement la panacée ou le remède miracle à cette situation?

Pour donc, le professeur en études cinématographiques, Claude Forest, la fermeture des salles de cinéma n’est que la partie visible de l’iceberg. A son avis, l’ouverture ou la construction de nouvelles salles s’apparente à baisser la température, sans pour autant soigner le malade. L’ancien délégué général du FESPACO, Baba Hama embouche la même trompette: « Ce n’est pas un problème de salles en tant que tel. Il y a trois gros problèmes: production, distribution et exploitation ».

En somme, nos salles ont fermé ou continuent de fermer parce que les trois machines essentielles (production, distribution, exploitation) de notre 7e art se sont grippées. Il n’existe aucune maison de production digne de ce nom, des boîtes qui savent détecter des projets porteurs, recruter un réalisateur, un scénariste, des acteurs, et faire un plan d’exploitation. Le constat est amer. Le cinéma burkinabè est à présent entré dans un cercle vicieux: les salles ferment parce qu’il n’y a pas de production, et il n’y a pas de production parce qu’il n’y a pas de salles et…d’argent. Et nous voilà confrontés à la sempiternelle question du nerf de la guerre. Le cinéma, et donc les salles fonctionnent encore dans la plupart des pays anglophones (Nigéria, Ethiopie, Ouganda, Afrique du sud, etc.) parce que des ressources financières importantes y sont injectées. Hélas, cette denrée semble se raréfier dans le secteur du cinéma au Burkina Faso.

La Rédaction

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