Lionelle Edoxi Gnoula : Première burkinabè dans le palmarès du prix Maeterlinck en Belgique

Lionelle Edoxi Gnoula : Première burkinabè dans le palmarès du prix Maeterlinck en Belgique

Lionelle Edoxi Gnoula est une auteure et comédienne de théâtre.  Elle vient de triompher à Bruxelles en s’emparant, le 23 septembre 2019, du trophée du « Meilleur seul en scène » du Prix Maeterlinck, ex-Prix de la Critique (Théâtre/Danse) en Belgique. Cette distinction est l’équivalente des « Mollières » en France, fit-elle savoir. Elle est à ce jour, la première comédienne du 6e art burkinabè à se faire un tel palmarès mais pas le premier burkinabè. Car Etienne Minoungou l’avait également décroché en 2015 dans cette même catégorie avec son spectacle M’appelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna. Nous avons rencontré Edoxie Gnoula à Ouagadougou, le 16 octobre 2019, au cours de son séjour pour un entretien sur cet exploit. 

Originaire de Fada N’Gourma, madame Tiendrebéogo, mieux connue sous l’appellation, Lionelle Edoxi Gnoula est née dans les Balé et a grandi à Ouagadougou (Burkina Faso). Charmée par la scène depuis l’adolescence, c’est dans la troupe « Eclat de SOSAF » de son enseignant du lycée (Gaétan Felix), qu’elle fit ses premiers pas dans le théâtre. Entre activité culturelle scolaire et stages, elle va se forger. Comme si elle se rapprochait de son destin, elle se rendra compte plus tard qu’elle est la nièce de l’épouse de feu Jean-Pierre Guingané, une légende du théâtre au Burkina Faso. Sans profiter de ses faveurs parentales, elle participera à un casting pour intégrer le Théâtre de la Fraternité en 2004.

Entretien à Ouagadougou

A l’école de Jean-Pierre Guingané

C’est à l’école du célèbre dramaturge burkinabè donc qu’Edoxi Gnoula aiguisera mieux son talent. « C’est là que j’ai commencé à prendre goût du métier tout en me convainquant de me lancer dedans. J’ai été formée pendant quatre ans. Mais la ferme conviction est survenue en 2006 où je me suis dite, ça, c’est mon métier ». Jean-Pierre Guingagé a été son formateur, son mentor. Le déclic même de sa carrière, a-t-elle confié, est parti de l’Espace culturel Gambidi. Mais ce parcours ne s’est pas réalisé sans obstacles.

« Comme partout dans le monde, c’est toujours le même problème d’inégalité, d’injustice envers la femme. Je ne peux pas dire que je ne subis pas cela ici. Mais ce que je puis dire, abandonner, je ne peux le faire … Ces difficultés rencontrées, ce sont les mêmes. On est tout le temps sollicité et après tu te rends compte que c’est le sexe. Il y a toujours ça qui surgit au niveau des hommes pour déséquilibrer. Si tu n’es pas forte, tu vas te laisser malmener ».

Une récompense nationale en Belgique

Lauréate du prix Maeterlinck de la critique en Belgique, Lionelle Edoxi Gnoula, est un visage bien familier dans le rouage du 6e art burkinabè. Comédienne aguérie, elle a vu, au fil de des années, ses exploits faire écho hors de l’Afrique. Présidente de l’Association « Désir collectif » et Vice-présidente de la Fédération nationale du théâtre du Burkina Faso, notre artiste, à seulement la trentaine d’année, enregistre une quinzaine de créations à son actif dont Legs « suite », la pièce qui  l’a valu un laurier à Bruxelles, en septembre 2019. « J’ai été nominée cette année avec mon spectacle (Legs « suite »). Il y a une première version intitulée Legs qui a déjà été publiée par Œil collection au Burkina Faso. J’ai donc été contacté par un festival qui s’appelle Mouvement d’identité. Au départ, la directrice du festival voulait que je revienne avec le même texte (ndlr Legs). Sauf que mon metteur en scène qui s’appelle Philippe Laurent voulait voir la suite de Legs. Edoxi vit, elle est là et quelle peut bien être la suite de Legs ? J’ai dit ok, réécrivons alors la suite. C’est cette pièce qui a été invitée au festival Mouvement d’identité. Elle a été vue par le public belge. Et c’est après qu’on m’a informé que la pièce a été nominée au prix de la critique et que la délibération devait se faire en septembre ».

Alors Legs « suite » va de l’autre, explique Edoxi. « La première version qui parle d’Edoxi, une fille qui a été rejetée par son père, celle qu’on appelle d’ailleurs l’enfant bâtard dans la société. Legs suite est maintenant mon regard par rapport à ce que j’ai écrit. C’était la rage et à travers cette rage, j’avais essayé d’entamer le processus de rencontrer mon père. Je l’ai fait mais cette démarche m’a écartée de la vision que j’avais de ce père-là. C’est-à-dire qu’en tant qu’enfant, on se fait une  idée quand on est rejeté. J’ai pu le rencontrer avant de finaliser mon histoire mais je n’ai vraiment pas pu ajouter à mon texte ce qu’on a pu se dire. Ma colère était toujours là. C’était très important pour moi de ramener cette dimension dans la suite de mon histoire ».

Legs « suite » en scène

Une pièce qui dépeint sa vie

La pièce parle d’Edoxi Gnoula qui est en train de réécrire son histoire dans un débit de boisson. C’est un monologue autobiographique. Dans cette mise en scène, Edoxi assise toute seule sur une chaise dans un maquis, joue le rôle de plusieurs personnages en un. Elle soulève la polémique, les discussions tantôt d’un révolutionnaire, tantôt d’un dictateur tout en usant la satire pour fustiger un comportement irresponsable de certains leaders. En fait, elle raconte sa vie dans une pièce de théâtre faisant le rapprochement avec ses souvenirs douloureux.   Voilà ce qui lui a valu l’or à Bruxelles.

Palmarès du prix Maeterlinck

Mais rappelons que Maeterlinck, autrefois appelé Prix de la Critique est une cérémonie prestigieuse de récompense belge des acteurs qui se sont illustrés le plus au cours d’une saison dans le domaine du théâtre et de la danse. En 2016, le jury a décidé d’introduire aussi un prix pour le cirque. Le tout premier comédien burkinabè à entrer dans le palmarès est Etienne Minoungou, 2015, avec son spectacle M’appelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna. Il est le premier comédien burkinabè dans le palmarès de ce prestigieux prix et Edoxi Gnoula, la première comédienne et le deuxième burkinabè après donc son devancier Etienne Minoungou.

Les projets immédiats

C’est une opportunité qui se présente avec cette distinction, car, sa pièce va encore tourner. Elle se prépare pour présenter Legs « suite » au FITMO, le 27 octobre 2019 à l’Espace culturel Gambidi puis dans un autre festival « Parenté à plaisanterie ».  Edoxi est en ce moment sur plusieurs projets dont la création « Réprendre » avec Réné Georges. Notre artiste comédienne est aussi la fondatrice du centre culturel « Pan-taabo » où elle travaille avec Sidiki Yougbaré. Edoxi, ambitieuse et visionnaire, cherche à donner à travers son joyau (composé d’une salle de répétition, de salle résidence et une salle de spectacle), un espace de recherche artistique, une sorte de laboratoire pour les jeunes et les compagnies qui désirent se professionnaliser. Elle est basée à Saaba, dans la banlieue, à une quinzaine de kilomètre du centre-ville de Ouagadougou.

Malick SAAGA

CATEGORIES
MOTS-CLES
Partager

COMMENTAIRES

Wordpress (0)