« Poéticales » 2023 : Du Black Néfertiti en hommage à Cheick Anta Diop et aux origines noires de la civilisation
La 3e édition des « Poéticales » se déroule du 6 au 8 novembre 2023 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. La poète burkinabè, Sophie Heidi Kam est intervenue depuis Ouagadougou, pour une lecture par visioconférence, ce 7 novembre 2023. Elle a servi du Black Néfertiti, en hommage à Cheick Anta Diop et aux origines noires de la civilisation. Ce sont quatre textes, extraits de son œuvre « Mémoires vivantes », parue en 2019, qui ont été lus. Il s’agit de « Coiffe de chair », « La chamelle du désert », « La conteuse » et « L’Egyptienne ».
« Poéticales », c’est le festival international de la poésie qui a lieu chaque année à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Initié par la poète et professeure titulaire de philosophie à l’Université de Côte d’Ivoire, Tanella Boni, l’année 2023 se consacre à la troisième édition, sous le thème : « Poésie et patrimoine ». Plusieurs personnalités du monde de la poésie y prennent part, soit en présentiel soit par visioconférence. Ces rencontres internationales s’articulent autour de déclamations de poètes traditionnels, de récital, de lecture de texte, d’un panel sur la « Poésie et patrimoine », d’un concours de poésie, du slam, d’un atelier, etc. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2021/09/29/rencontres-internationales-de-poesie-de-cote-divoire-lecrivaine-burkinabe-sophie-heidi-kam-parmi-les-grandes-figures/
Après avoir contribué à donner de l’éclat à la première édition des « Poéticales » en 2021, la poète, romancière, nouvelliste, scénariste, dramaturge et auteure de contes, Sophie Heidi Kam est de nouveau, invitée à l’édition 2023. Elle a encore, depuis une résidence à Ouagadougou et par visioconférence, proposé une lecture de quatre de ses textes, extraits de son œuvre de poésie, « Mémoires vivantes ». Lire aussi : https://kulturekibare.com/2022/04/10/memoires-vivantes-de-sophie-heidi-kam-une-confrontation-entre-la-poesie-et-les-arts-plastiques/
C’est aux environs de 11 heures (heure locale) que notre octuple du Grand prix national des arts et des lettres au Burkina Faso et aussi Grand prix du livre (poésie) à la Foire internationale du livre de Ouagadougou (FILO) 2021, est sollicitée pour trois (3) minutes de lecture.
Selon Sophie Heidi Kam, aucun thème n’est imposé. Cependant pour mieux répondre à l’esprit de la valorisation de patrimoine matériel et immatériel africain, elle s’est servie du Black Néfertiti, en hommage à Cheick Anta Diop et aux origines noires de la civilisation. « Les textes de Mémoires vivantes s’étendent sur un certain nombre de patrimoine culturel, matériel ou immatériel, parce qu’on a deux grandes figures du patrimoine mondial », a expliqué Sophie Heidi Kam. Elle évoque ainsi l’Egyptienne Néfertiti dont le buste est exposé au Musée de Berlin, et également le tableau de la Joconde de Leonard de Vinci.
Cet instant de lecture, à l’en croire toujours, reste un moment de partage entre confrères poètes dans le monde. Et à partir de ces échanges, d’autres initiatives naissent et renforcent la cohésion professionnelle. « Il y a une qui avait participé en 2021 et qui m’a mise sur un projet au niveau de l’Egypte des pharaons », a confié la poète burkinabè.
Satisfaite de sa participation, Sophie Heidi Kam a traduit toute sa reconnaissance à Tanella Boni et à tous les participants des « Poéticales » 2023.
Ram OUEDRAOGO
Encadré
BLACK NÉFERTITI, en hommage à Cheick Anta Diop et aux origines noires de la civilisation
Coiffe de chair
(P.52-55)
Fruits de mon arbre je vous porterai
Comme une mère les peines de ses fils et filles
Vaste est ma tête qui étale sa pelouse de laine jusqu’à sa lisière ourlée d’or où mon front prend naissance
Il y aura de l’espace et comme une mère je vous porterai
Vos pieds en appui sur leur rampe
Vos mains se croisent et se tiennent et entraînent vos corps athlètes dans la valse d’un ballet incessant
Sur ma tête ils tissent une couronne d’or plus haute que ce nom qui me consacre
Mère des origines
C’est une coiffe de cœurs et de sang
De chairs et de sexes emboîtés au pouls des corps qui s’enlacent
C’est un champ de rires mûris à l’ombre d’efforts surannés
De sueurs emmêlées et de larmes traçant leurs sillons longs jusqu’au ventre de mon cœur
C’est ce champ de vie qui berce la cadence de mes pas d’outre-tombe
Plus haut que ce nom qui me porte qui me célèbre et me consacre mère des origines
La chamelle du désert
(P.66-68)
Mon cou est la gorge d’un pot d’argile cuite long, lisse et gracile
À son bord s’offre ma tête haute et fière
Comme celle d’un griot mandingue
Et voici le trophée de mon orgueil
Voici ma descendance
Mes fils et mes filles célébrant de leur danse la ronde des jours de demain
Fils et filles de mon bercail
Orgueil de mes origines perdues dans le deal de l’histoire
Vous êtes les gardiens de mon nom
Pour ma gloire vos corps s’enchaînent et jusqu’aux limites de mon crâne ils s’érigent en couronne
C’est l’épiphanie de mon retour aux sources mon histoire domiciliée au pays mien
Je suis la chamelle du désert au long cou rythmant vos pas sur les chemins de demain
Vers d’opulentes oasis je vous mènerai
Je suis le fanal-veilleur
La guetteuse aux yeux-radars perchés aux remparts du pays perdu
Mon histoire domiciliée sur les terres ocre où déjà scintille l’étoile de ma destinée
Vers d’opulentes oasis je vous mènerai
La conteuse
(P.63-65)
Mère de mes origines
Quelle pensée courtise ton cœur et teinte ton visage de fraîcheur d’hivernage?
À la naissance des courbes où s’étagent tes charmes son ombre trouve refuge jusqu’au prolongement
Qui fonde ta poitrine
Que me contes-tu là dans ces mots que tu mâches
Et craches sur les ailes du vent ?
En vain je pêche la vocalise à fleur de tes lèvres
Est-ce un psaume une mélopée ou le blues qui t’arrache ce cri inaudible ?
Que martèles-tu là, mère ?
Dans ta bouche entrouverte les mots tricotent
Le secret de ta pensée
En vain je quête l’essence de sa teneur
Kulture Kibaré