Danse contemporaine : « Ça m’est égal » ou la quête de l’humanisme dans un monde en détresse
« Ça m’est égal », c’est le spectacle de Paul Kaboré qui a été joué dans la soirée du 16 juillet 2022 au Centre de développement chorégraphique (CDC) La Termitière, à Ouagadougou. Dans cette chorégraphie, l’artiste transporte son public dans un univers triste et sombre où certaines valeurs culturelles et sociales tendent à disparaître.
20 heures 30 minutes – 20 heures 54 minutes. C’est le temps mis par le danseur chorégraphe, Paul Kaboré sur la scène du CDC La Termitière. Nous sommes à une sortie de résidence de création. Le spectacle intitulé « Ça m’est égal », nous plonge dans le désarroi rien qu’à lire la gestualité, le chant et les paroles.
Tout a commencé par des mouvements un peu timides, rythmés sur une musique. Paul Kaboré, la vedette de la soirée a porté un tricot troué court, sans col, ni manche avant d’enfiler un habit plus décent. A côté du hamac, sa gestuelle suit une certaine cadence et devient plus énergique. Le voyage a commencé et le public, attentif, essaie de comprendre le langage corporel. Que l’on soit initié ou pas à la danse contemporaine, il n’est pas difficile d’interpréter les mouvements du danseur. C’est une colère qui est déversée, une amertume qui est exposée, une souffrance qui se laisse voir. Le fredon du musicien accompagnant et les paroles prononcées en mooré (langue locale burkinabè) le confirment. « Je n’ai pas voulu montrer que des mouvements. J’ai voulu présenter des choses sensibles, qui nous interpellent en tant qu’humains », a même soutenu Paul Kaboré. Il questionne ce monde contemporain, certaines valeurs foulées aux pieds par cette nouvelle génération qui s’égare. « J’invite la jeunesse à ne pas perdre l’humanisme, le respect des aînés et d’autrui, le vivre ensemble, la cohésion sociale », a-t-il indiqué.
A l’en croire toujours, il est parti d’un constat, celui d’être témoin d’un fait qui l’a bouleversé en tant que jeune. « Dans un aéroport au Sénégal, en attente d’un vol pour regagner le Burkina Faso, j’ai vu un jeune homme piétiner un vieux et en plus dans une arrogance indescriptible. Sans s’excuser, il s’en est allé gaillardement pour prendre un autre vol parce que marre d’attendre, il aurait selon lui les moyens. Cela m’a choqué », a confié le danseur chorégraphe. C’est à partir de cet instant qu’il a commencé à réfléchir sur ce qu’il venait de voir.
Professionnel et méthodique, Paul Kaboré trace les premières lignes de sa chorégraphie en faisant également recours aux personnes ressources. Il a enfin tous les ingrédients possibles pour créer. Et grâce à la subvention de 1 500 000 Fcfa du Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA) à travers le Fonds de promotion culturelle (FPC), et bien sûr d’autres partenaires Paul Kaboré et son musicien David Zoungrana ont été accueillis au laboratoire de recherche artistique, Ankata, à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) pour une résidence de création d’une semaine.
« Ça m’est égal », il faut le rappeler est la deuxième création majeure solo de Paul Kaboré, après « Corps innocent » en 2016. Le danseur a en perspective d’autres résidences de création pour mieux aiguiser sa pièce afin d’être plus compétitif au marché de la danse contemporaine, dit-il.
Malick SAAGA
Kulture Kibaré