Smockey : Voici ce que le rappeur engagé mijote pour 2020
Artiste-rappeur et activiste burkinabè, Serge Bambara dit Smockey semble être depuis un temps, à l’abri des projecteurs du show-business local, après la sortie de son triple album « Pré’volution » (mars 2015). Le « mouvementiste », comme il se définit avait entamé une série de spectacle à travers le concept « Après ta révolte, ton vote » pour inciter les populations massivement aux urnes, en prélude aux élections présidentielle et législative de novembre 2015 au Burkina Faso. Quelle est son actualité ? Sur quel projet artistique travaille le rappeur engagé ? De retour de Paris (France) où il avait élu domicile à la Cité internationale des arts pendant deux mois pour une résidence de création à la faveur de Visa pour la création, nous l’avons rencontré, le 10 octobre 2019 pour un entretien. Smockey mijote une pièce musicale intitulée « Le syndrome de la pintade ». C’est son principal projet artistique qui s’apparente à une mise en garde aux politicards dans les Etats africains et d’ailleurs.
« Le syndrome de la pintade » est la pièce musicale, toujours en gestation de l’engagé Smockey. Séjournant, en ce moment à Ouagadougou, il réfléchit toujours à comment peaufiner son projet. Il s’agit d’« un nouveau projet, je ne pense pas que cela existe dans le rap déjà, je ne l’ai pas encore vu dans le milieu, en tout cas pour l’instant. Mon idée, c’est d’essayer de sortir un peu le rap du ghetto et de pouvoir l’ouvrir à d’autres types de publics, qui estiment peut-être que le rap, c’est un truc d’adolescent pubère, un mouvement de rebelles, etc. ».
Alors, la meilleure façon d’y parvenir, dit-il, c’est de proposer un spectacle qui « sort de l’ordinaire ». Non pas avec la même configuration classique des musiciens dans un concert musical mais avec un saupoudrage artistique inhabituel. « Comme j’avais une petite expérience dans le théâtre grâce à Serge Aimé Coulibaly, je me suis dit qu’il y a une belle organisation dans le monde du théâtre qu’on peut exploiter. Les comédiens ont une manière plus professionnelle de travailler leur projet qui est différent de nous, musiciens. J’ai remarqué qu’ils travaillent beaucoup afin de présenter le fruit de leurs efforts. Cela m’a inspiré et j’ai voulu ramener cette forme d’organisation dans la musique, disons dans le rap tout en gardant mon côté engagé et politique ». De quoi parle cette pièce ? D’où découle l’inspiration ?
« Un jour j’étais assis et je regardais une pintade qui essayait de traverser un grillage. Il y avait pourtant une grosse porte ouverte à côté. Mais la pintade s’entêtait à traverser le grillage là où il n’y avait pas de possibilité de sortie. Il a fallu simplement le jeu du simple hasard pour qu’elle soit projetée vers la porte et comprendre que c’est par là elle devait sortir », explique Smockey. Ce fait ne l’a pas laissé indifférent. Il confie constater que ce syndrome existe bien chez les humains notamment les élites africaines et partout ailleurs. « L’histoire se répète tout le temps. Malgré les erreurs qui ont été commises à une certaine époque, on continue bêtement ces mêmes erreurs sans corriger le tir » s’indigne-t-il.
Cette pièce est une allégorie et dépeint certaines manœuvres politiques de l’heure. Mais est-ce une mise en garde aux élites et classes politiques burkinabè qui se préparent pour l’élection présidentielle de 2020 au Burkina Faso ? A en croire l’ « insoumis » Smockey, c’est bien « le mal de nos élites et elles ont le syndrome de la pintade » selon toute vraisemblance.
« C’est l’occasion pour moi de pouvoir dénoncer cela à travers une pièce musicale. Et je précise que ce n’est pas une comédie musicale. C’est une pièce musicale, en ce sens que c’est un peu comme un concert mis en théâtre et non pas un théâtre mis en musique », raconte-il. Il précise que cette pièce se veut être un « outil pédagogique » pour les adeptes de la démocratie mais sans pour autant confirmer qu’il s’agit d’une mise en garde à qui que ce soit. « Tous les régimes répondent à cette pièce-là. Je n’ai pas choisi un régime en particulier. Bien sûr que celui-là va m’inspirer (ndlr régime Roch Kaboré). Ses erreurs comme ses qualités éventuelles vont aussi m’inspirer … Le but, c’est d’arriver à faire un spectacle qui est facile à consommer par le public et qui facilite aussi la compréhension du jeu politique ».
Le grand patron du studio Abazon (cette structure qui renaît de ses cendres après le bombardement destructeur par les membres l’ex-Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) pendant le putsch de septembre 2015) laisse entendre que le projet n’a pas encore assez de partenaires. Smockey a donc avoué être toujours en quête de financement pour constituer son budget. Bien qu’il y ait des promesses, fait-il savoir, aucune date officielle relative à la première représentation n’est encore arrêtée.
« Le syndrome de la pintade » est une pièce qui doit tourner, espère-t-il. Aussi elle marquera la première phase de l’enregistrement du prochain album de Smockey après « Pré’volution », une compilation de trois (3) albums (Prémonition, Révolution et Evolution) sortie en 2015. « C’est un album, cette pièce. Comme je l’ai dit tantôt, c’est une pièce musicale que je vais monter. En réalité, c’est un concert en théâtre. Je veux qu’elle soit à la fois drôle. C’est pourquoi je vais travailler avec deux humoristes. Mais avant tout, c’est de la musique, c’est un concert. Mais là, on va faire l’inverse. D’habitude on enregistre l’album et après on procède aux spectacles et la tournée. Alors que là, je fais la tournée d’abord et j’enregistre l’album après. Si la pièce est prête en 2020, probablement que l’album sortira dans la foulée ».
Saga Malick SAWADOGO