Et si le cinéma burkinabè commençait à rêver ?
Contempler, comme dans un miroir, son reflet projeté sur un écran d’une salle de ciné, c’est bien. Mais voir ce reflet, amélioré au centuple, enrobé par les possibilités qu’offre le rêve, c’est encore mieux.
Savez-vous pourquoi les Etats-Unis d’Amérique sont la première puissance du monde ? Les retombées des deux guerres mondiales, l’union d’une cinquantaine d’Etats qui fait la force, entre autres. Ça c’est pour le raisonnement scientifiquement logique.
Mais savez-vous que votre subconscient accepte et vous impose que les Etats-Unis d’Amérique sont la première puissance mondiale ? Pouvez-vous forcer votre esprit, à accepter une autre éventualité ? Non ? Evidemment. Puisque depuis votre enfance, et cela vaut pour la jeune génération, vous êtes gavés par des films américains.
La conquête par l’image
De Rambo à Terminator, en passant par « 24 heures Chrono » et autres « Mission impossible » qui le disputent en cavalcades et acrobaties rocambolesques des « 007 », sans compter les super héros fabriqués par les entreprises comme « Marvel » (X-Men, Avengers, Captain American, Superman, Spiderman), le « mind » africain et du monde a été formaté par un même slogan : « America is great ».
Et faites la remarque. La planète est toujours mise en danger depuis les Etats-Unis et ce sont toujours des Américains patriotes, prêts à donner leur vie pour la bannière étoilée, qui sauvent l’Amérique et le monde. Jamais le contraire. Comment donc voir l’Amérique autrement que comme un sauveur ? Comment donc ne pas voir l’Amérique comme la nation la plus puissante du monde et ne pas les accueillir comme des héros ? Comment les Américains eux-mêmes ne peuvent-ils pas vouloir défendre leur propre pays ?
De grandes réalisations aujourd’hui, hier de grands rêves irréalistes
A contrario, que présente le cinéma africain, et plus précisément, burkinabè ? Des histoires tristes. Des peuples désespérés. Des citoyens perdus, qui ne voient aucune belle perspective poindre sur la ligne de l’horizon de leurs espérances. Comment voulez-vous qu’un Africain ou un Burkinabè se sente au sortir d’une salle de ciné sombre où tout a été peint en noir ? Certes, il y a le sursaut, la révolte qui poussent à vouloir changer tout ça.
La probabilité reste toutefois mince que quelque chose bouge vraiment. La preuve, plus de cinquante ans après les indépendances, où en est le Burkina, l’Afrique, les veines toujours chargées de tubes de perfusion à origine occidentale ?
Alors, n’est-il pas temps de donner un peu de joie, d’espoir dans les scénarii des films et sur le visage des acteurs ? Il n’est pas ici question de fermer les yeux sur l’existant, mais plutôt de se baser sur lui pour faire comprendre à l’Africain, et au Burkinabè en particulier, qu’il lui est permis de rêver et surtout de rêver grand. Qu’il lui est surtout permis de réaliser ce qu’il a rêvé.
Jules Vernes a décrit dans un livre un sous-marin plusieurs années avant que cet engin ne soit fabriqué. Tout comme ces avions qui peuvent s’élever en vol vertical ont longtemps existé sur les écrans de salle de ciné avant d’apparaître dans l’arsenal des armées.
Le champion du monde de jet-ski français Franky Zapata a offert un spectacle futuriste lors du défilé militaire du 14 juillet 2019 à Paris en volant debout à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol sur son « Flyboard« . Cela ne vous rappelle-t-il pas un certain « Bouffon vert » dans Spiderman ?
Sortir un peu du pessimisme anesthésiant
Les exemples sont légions. Il est grand temps donc que le cinéma africain et burkinabè en particulier apprenne aux cinéphiles à voir leur avenir et celui de leurs descendants autrement que dans les guerres, les famines et autres 1 000 plaies qui couvrent, à tort, l’épiderme du continent.
On demandera comment, surtout financièrement. Malheureusement, une bonne partie des productions cinématographiques africaines n’est pas financée par le trésor africain. C’est un secret de polichinelle. Il est tout à fait évident que le contribuable français ne finance pas un film américain qui fera la propagande de la toute puissance américaine. L’image s’applique également au Burkina.
Comment financer tout ça ?
Il faudra commencer à trouver des solutions endogènes. D’abord, l’Etat doit délier la bourse. L’image d’un pays est une question de souveraineté et le pouvoir public doit y avoir son regard.
Par exemple, pourquoi l’armée burkinabè ne financerait-elle pas un film qui magnifiera le sacrifice des soldats burkinabè pour la défense de la patrie ? Premièrement, cela redorera le blason des militaires. Deuxièmement, les troupes au front seront galvanisées. Et troisièmement, on trouvera plus facilement des jeunes Burkinabè plus enclins à s’engager sous les drapeaux, non pas pour lutter contre le chômage, mais pour servir la patrie. La Présidence du Faso devrait y réfléchir. Tout comme l’Assemblée nationale.
Ensuite, les entreprises privées peuvent améliorer leur image de marque. Ailleurs, ce sont les fabricants d’armes, les constructeurs d’automobiles, les marques de vêtements qui se font de belles publicités à travers des films (pouvez-vous regarder la série de « Fast and Furious » sans retenir le nom d’une marque de voiture ?). Au Burkina, les sociétés immobilières, les brasseries, les maquis (pourquoi pas ?) pourraient se lancer dans la production ou le financement de films.
A nos chères banques !
Enfin, il ne faut pas l’oublier, le cinéma est une industrie. Et il faut que les banques burkinabè commencent à avoir le goût du risque et à croire en des projets bien ficelés et à l’attractivité bien étudiée. Oui, les banques doivent apprendre à financer le cinéma burkinabè, au lieu d’obliger les réalisateurs à vivre d’appuis étrangers conditionnés qui remettent en cause souvent même le message principal de l’œuvre cinématographique.
Ou alors, on peut considérer ce long soliloque comme inutile et creux et continuer à naviguer dans les mêmes eaux stagnantes et sans grande propriété propulsive. A nous de voir.
La Rédaction
Suis tout à fait d’accord avec toi, mais il faut d’abord asseoir les bases d’une industrie du cinéma. Avec quelles ressources produire, si nous ne disposons de circuits de distribution et d’exploitation de nos œuvres ? Le cinéma est un business et il coûte très cher. Difficile de faire rêver si nous n’y mettons pas les moyens. Et pour que les moyens soient, il faut être sur du retour sur investissement. Quelle banque, quelle opérateur économique investirait son argent sans pouvoir le recouvrer ??? Franchement, nous avons encore à faire. Mais comme le dit l’adage, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Revenons d’abord aux fondamentaux de la production cinématographique. L’état ne peut tout faire, mais peut mettre en place des mécanismes qui favorisent la production cinématographique. Les investisseurs s’en trouveraient rassurés et toute la chaîne se mettrait en marche.
Pour terminer, je crois que le plus gros du travail revient aux professionnels que nous sommes. C’est à nous de faire des propositions et poser des actes qui contraignent l’état à nous prendre au sérieux.