Festival Cergy, Soit (France) : Kossyam est-elle la réalité des gilets jaunes ?
Kientega Pingdewendé Gérard dit KPG a présenté sa première représentation artistique devant un parterre de festivaliers, le 21 septembre 2019, à la place Parvis de l’ESSEC Business School, dans le cadre de la 22e édition du festival Cergy, Soit. Pendant plus d’une heure le conteur burkinabè et ses deux (2) musiciens (Issa Maïga Bassitey et Arouna Coulibaly) ont maintenu les spectateurs dans une ambiance de ton révolutionnaire.
Le spectacle « Kossyam » débute par un meeting, dans un espace libre avant d’être déporté sur la scène. Kounkoundré le Margouillat, le narrateur, raconte la lutte d’un peuple. En prenant ainsi son destin en main, le peuple de Savanayiki, va contraindre, à travers une insurrection populaire, Katré Hyène de renoncer au pouvoir. Cette dernière a régné pendant 27 ans. Elle avait installé une armée de guêpes pour conserver son pouvoir à vie à Kossyam (Palais présidentiel). Pour ce faire, elle va procéder en achètant les consciences d’une minorité d’animaux intellectuels afin de pouvoir librement modifié la constitution qui limite le mandant présidentiel à deux. Le refus catégorique du peuple de Savanayiki finira par payer à travers une lutte continue. La Hyène est chassée du pouvoir en plein midi.
Le spectacle « Kossyam » s’est inspiré de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 au Burkina Faso. Le politique, les leaders et autres acteurs de la société civile qui y ont pris part, ont tous été cités dans cette fable contemporaine. Seulement que chaque personnage clé est entré dans la peau d’un animal.
« J’ai apprécié le fait d’utiliser les animaux comme palliatif pour exprimer quelque chose d’un peu neutre dans lequel chaque spectateur qui assiste peut s’identifier à éventuellement des animaux avec le tempérament possible », a apprécié Emile Toupet, spectateur.
De l’avis de Manel Koudjik, jeune spectatrice dans la dizaine d’années, elle trouve l’histoire racontée « bien » parce qu’elle en a tiré une bonne morale. « Le peuple s’est soulevé contre son président, le dictateur. Cela nous a permis de découvrir une version de la vie. On est toujours en train de se plaindre et tout, alors qu’il y a d’autres personnes qui souffrent. On n’est jamais content de ce qu’on a alors qu’on est dans un pays de démocratie. Pourtant les autres ne peuvent pas s’exprimer comme nous »
Radija Koudjik, une adulte dans la quarantaine donne son ressentiment. « Mon ressenti est par rapport à ce qu’on vit aujourd’hui, en France avec les gilets jaunes bien évidemment. Il y a une grosse manifestation à Paris. Je me voyais et à Paris et au Burkina Faso en même temps. Je ne savais pas du tout qu’en 2014, il y avait une insurrection populaire au Burkina Faso. Je suis contente de l’apprendre maintenant. Du coup, ça donne du sens à ce qu’on vient de voir dans ce conte où on utilise des animaux pour nous faire passer un message par rapport aussi à la vie des Hommes », a-t-elle soutenu. Ce qui la fascine aussi, confie-t-elle, c’est cette histoire qui se raconte avec la musique et qui procure de l’énergie. Selon toujours la Française, cette pièce vise à éveiller davantage les esprits, d’ouvrir le regard et de pouvoir se dire « Ah ouaih, c’est peut-être moi dans ma vie de tous les jours qui n’ose pas dire à mon patron que ce qu’il est en train de faire n’est pas cool ».
A l’unanimité, les spectateurs ont applaudi les artistes burkinabè pour la façon dont le conteur illustre les personnages à travers des animaux avec une mise en scène « pas possible », à en croire Sonia Lepine, jeune française ayant vécu un moment au Burkina Faso. Selon elle, la morale de Kossyam repose sur le fait qu’il « faut se battre pour ses idéaux ». Elle poursuit en indiquant qu’il peut bien avoir des similitudes avec la situation des gilets jaunes en France. « Il y a que le peuple s’exprime et n’est pas heureux. Mais ce n’est pas la même chose pour quelqu’un qui est depuis 27 ans au pouvoir et quelqu’un qui a été élu démocratiquement même si on n’est pas d’accord. Ici, on ne peut pas tout à fait comparer les choses ».
Il faut relativiser ce rapprochement avec les gilets jaunes, c’est que pense Farouck Yago. Il se convainc qu’il serait un peu compliqué de faire le rapprochement parce qu’il ne s’agit pas des mêmes problématiques. La suite sur la vidéo YouTube intégrée.
Le spectacle est encore programmé pour une deuxième fois consécutive, ce 22 septembre 2019. Mais bien avant, une dédicace du livre « Kossyam » est prévue dans la matinée. Il a été édité par les « Editions Deuxième époque » dans la collection « Ecritures de spectacle » avec le soutien du Cnarep Atelier 231, du Cnarep Oposito-Moulin fondu, de Tranverscité et de Koombi Culture.
Malick SAAGA depuis Cergy-Pontoise (France)