Tribune libre : Draman Konaté prône le culte ancestral sans pour autant renier les religions révélées
Dans sa chronique hebdomadaire, « Dimanche culture », le docteur Draman Konaté, Conseiller technique du ministre burkinabè de la Culture, des Arts et du Tourisme ne cesse d’éclairer plus d’un sur des sujets socioculturels pertinents. Hier, 16 août 2020, notre homme de Lettre et de Culture, a encore étayé ses connaissances sur le culte ancestral. Selon son argumentaire, la diversité et/ou le relativisme culturel, doivent mieux s’accommoder de la liberté de croyance afin d’éviter l’intolérance et la stigmatisation. Une position qui défend les croyances ancestrales sans pour autant renier les religions importées en Afrique.
Il n’y a de traditionnel que ce qui s’oppose à moderne. Il n’y a d’ancien que ce qui s’oppose à nouveau voire contemporain. Il faudrait nuancer la notion de « religion traditionnelle », car en mode culture, le distinguo existe bel et bien entre « croyance» et « tradition ». C’est pourquoi il faut privilégier la notion de « religion ancestrale ». À l’évidence, nos ancêtres avaient institué des rites empreints de spiritualité. Et c’est l’illustre africaniste Edgar Morin, l’éminent libre-penseur des deux-siècles (20-21e s.) qui édifie sur ces questions de « religions aux belles mythologies, certaines ignorant les fanatismes des grands monothéismes, préservant la continuité des lignées dans le culte des ancêtres, maintenant l’éthique communautaire, entretenant une relation d’intégration à la Nature et au Cosmos » (La Voie, 2011, p.49).
Dépositaire
Il est le premier à avoir approché les spécialistes de la culture en matière de religion ancestrale. Son titre initiatique : Dozoba. Son titre emblématique : Le Bonck. Son attribut patronymique : Drabo (l’éveilleur). Il est le vice-président du culte Vaudou au Bénin. Il a bel et bien mené des démarches avant la lettre pour l’institution d’une Journée du culte ancestral. La distinction est nette chez les dépositaires des us et coutumes : le dougoutigui, c’est le chef du village. Le dougoukolotigui, le chef de terre. Le mouroutigui est le dépositaire du couteau, l’officiant du culte ancestral. Le chef du village et le chef de terre peuvent être musulman ou chrétien. Mais le prêtre du culte ancestral ne peut, en aucun cas, changer de religion. Il pratique la « religion de la terre » pour assurer les « attaches célestes », c’est-à-dire la relation avec Dieu-le-Grand.
Rituel
Chez Dozoba, dans les pourtours de la vallée du Sourou, chaque année, est célébré le culte dédié aux ancêtres. Les sages communiquent avec les esprits. Dans la mythologie du pays san, l’écureuil annonce la descente du Boa « minion ba » du ciel. Le serpent emblématique est flanqué du porc-épic et de l’hyène. L’invocation de l’esprit des ancêtres provoque un grand orage. Plus mystique que réel. Le Boa traverse la mare sacrée, prend le chemin de la forêt sacrée. Le tocsin sonne le retour des morts. Les jeunes se préparent aux rites initiatiques. Le chef griot exalte les vertus sociales. Le forgeron prépare les décoctions de désenvoûtement. De paix. De sérénité. D’abondance. Selon le calendrier lunaire en vigueur dans le milieu, cet épisode se déroulera bientôt. Sur la colline sacrée « trodolo ». La mystique du culte ancestral se dévoilera. Comme chaque année. Et ce, pour le siècle des siècles…
NB : Comme vous et moi, beaucoup parmi nous ont confessé la foi musulmane ou chrétienne. Reconnaître le culte ancestral ne veut pas dire rejeter les religions révélées. Bien au contraire, le dialogue interreligieux doit s’accommoder de la liberté de croyance afin d’éviter l’intolérance et la stigmatisation. L’homme de culture s’inscrit résolument dans cette logique.
Un récit de Draman Konaté (ICRA, Août 2020)