Sauvegarde du patrimoine culturel : Son Excellence KPG perpétue une tradition des forgerons à Sondogo
Le fourneau est un symbole chez les forgerons du Burkina Faso. Au-delà de fondre le minerai de fer, il joue un rôle essentiel dans la socialisation et la transmission des valeurs cardinales. Soucieux de ce savoir-faire identitaire en voie de disparition, Son Excellence KPG (puisqu’institué ambassadeur du Mois du patrimoine burkinabè), très engagé dans la sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel, a alors entrepris de construire des fourneaux afin de perpétuer les connaissances ancestrales. C’est dans cette dynamique qu’il a réalisé, à la sollicitation du San-naaba lagmzelma de Sondogo, un fourneau relativement moyen dans le quartier Sondogo, à Ouagadougou. Le baptême de ce joyau symbolique est intervenu, le 20 avril 2024 en présence d’autorités administratives et coutumières.
Les jeunes forgerons de Sondogo, dans la commune de Ouagadougou, région du Centre, très préoccupés par une tradition en voie de disparition ont décidé d’agir. Car, de constat, « forger le fer » traditionnellement, n’intéresse plus certains citadins dans leur environnement en pleine expansion technologique. Dans un tel contexte critique, l’international conteur Kientega Pingdewindé Gérard dit KPG, bercé aux mystères des sciences et de la forge du fer depuis le bas âge, entend changer la donne.
Le forgeron n’était plus un « vrai » forgeron
Il a en effet entrepris, au-delà de son métier d’artiste conteur, d’œuvrer à la sauvegarde du patrimoine culturel notamment la réhabilitation des savoirs et savoir-faire ancestraux sur la forge. « C’est un projet qui est né du fait que beaucoup de forgerons ne connaissent plus leur culture, ils ne savent plus où ils sont, et ils se sont laissés emporter par les problèmes de cette société. Ils ont alors laissé les valeurs fondamentales qui faisaient du forgeron, un vrai forgeron. C’est la raison pour laquelle, j’ai initié un projet qui s’appelle : forger la culture pour cultiver la vie. La construction du fourneau s’inscrit donc dans ce projet qui consiste en la transmission des valeurs de la forge, des valeurs qui permettent de se reconnecter avec sa propre histoire et ses propres origines », a expliqué le forgeron conteur.
Dans cette ambition de forger la culture pour cultiver la vie, KPG pose des actes symboliques perceptibles, telle la construction des fourneaux. A la sollicitation de la jeunesse et du San-naaba lagmzelma de Sondogo, il a été approché pour réhabiliter un fourneau relativement moyen devant le palais royal de Sondogo. « Ce sont les jeunes de Sondogo qui m’ont approché pour me demander de les aider à se reconnecter avec leur propre culture à travers la construction de la forge et la réduction du minerai de fer, parce qu’ils ne connaissaient pas. Ici même, il n’y a pas une forge active. Et les jeunes ne savaient même pas confectionner un outil. Depuis que je suis arrivé, cela a créé un certain engouement, puisqu’ils avaient l’envie, mais ils ne trouvaient pas la personne qui allait les aider. C’est pourquoi, ils m’ont approché », a renchéri KPG.
De la nécessité de perpétuer la tradition
Alors, avec la contribution financière des jeunes et de leur autorité coutumière, le forgeron conteur va mobiliser toutes les ressources humaines et intelligentes pour la construction du fourneau. A l’en croire, la réalisation de l’œuvre a nécessité plus de trois semaines de construction et l’aide de plusieurs autres forgerons issus de localités diverses. « Les héritiers avaient délaissé la pratique. Ils se sont engagés non seulement à réhabiliter la forge mais aussi à perpétuer leur tradition », a soutenu San-naaba lagmzelma de Sondogo.
Le baptême de ce joyau hautement symbolique des forgerons du quartier Sondogo a mobilisé des autorités coutumières et administratives à l’esplanade du palais royal de Sondogo. KPG l’architecte a, en amont expliqué devant tous, le processus et les étapes de construction du fourneau, nommé chaque outil et sa fonction, partagé ses connaissances sur le mystère des sciences de la forge, etc. Il a ensuite procédé à une vive démonstration de l’extraction du fer.
Les vives félicitations du ministère en charge de la culture burkinabè
L’instant n’a pas laissé indifférent le représentant du ministre d’Etat, ministre en charge de la culture, Nestor Kahoun. « Mes félicitations aux autorités de ce secteur pour la perpétuation de ce pan. Vous savez que la forge est en pleine déperdition. La pratique autour de tout ce qui concerne la forge est un peu en perte. Merci de relever ce défi et merci de porter la culture comme une arme contre tout ce que nous avons comme dépravation. Nous savons qu’aujourd’hui, un homme sans culture est un homme sans âme. Il faut vraiment suivre les traces de ce que nos devanciers nous ont légués, parce que nous avons le devoir de les transmettre aux générations futures », a-t-il déclaré au nom de son ministre empêché.
A travers cette nouvelle réalisation, le conteur forgeron KPG a confirmé sa place et son rôle dans la sauvegarde du patrimoine culturel matériel et immatériel au Burkina Faso. Et s’il a été institué officiellement ambassadeur du mois du patrimoine culturel, le 17 avril dernier, par le premier ministre de la Transition du Burkina Faso, pour un mandant d’une année, ce n’est donc pas fortuit. Désormais Son Excellence KPG n’entend pas s’arrêter là. Il envisage d’autres constructions de fourneaux dans les localités jugées nécessaires, toujours dans cette dynamique de sauvegarder le patrimoine culturel burkinabè.
Tout cet engagement ne mérite-t-il pas une reconnaissance de la nation entière ne serait-ce qu’un simple chevalier de l’ordre de mérite… ? Rendez-vous compte que le médaillé d’argent aux 6ème Jeux de la Francophonie (Beyrouth 2009) n’en a pas toujours. Il faut alors joindre un acte symbolique fort aux félicitations de cet exploit unanimement applaudi.
Malick SAAGA
Kulture Kibaré