Développement d’une industrie musicale burkinabè : Le chien aboie, la caravane passe
Ne serait-il pas prétentieux de parler d’une industrie musicale au Burkina Faso ? Il y a certes un show-business, des productions d’œuvres en quantité, des parts de marché localement importantes, des opportunités… bref un dynamisme perceptible.
Mais, au regard du manque criard d’infrastructures, d’équipements adaptés et surtout l’approche informelle, amateure et le comportement saugrenu de certains « industriels » de la chaîne des valeurs (managers d’artistes, producteurs, diffuseurs, etc.), nous sommes encore loin d’occuper les meilleurs rangs dans le continent.
Nous en sommes conscients. C’est pourquoi, les 13 et 14 décembre 2018, à Ouagadougou, le Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme jadis, dirigé à l’époque par le juriste et politique, Abdoul Karim Sango avait initié un atelier de réflexion sur la diffusion et la promotion de la musique burkinabè. Il visait pour objectif de susciter non seulement un partage d’expériences entre artistes, diffuseurs, experts du domaine, journalistes, et autres entrepreneurs culturels, mais aussi de s’approprier les grandes orientations en matière de développement de la musique.
Le cadre a réuni des acteurs du public et du privé pour poser sérieusement le diagnostic sur la diffusion et la promotion de la musique burkinabè et proposer des solutions. Le Mali et la Côte d’Ivoire ont même été invités pour partager leurs expériences respectives.
Dans ce conclave de 48 heures, auquel nous avons pris part, il a été relevé le problème de formation, l’insuffisance d’école de musique, la croissance exponentielle de mauvais arrangeurs sans formation et sans culture musicale, le manque de journalistes spécialisés à même de porter des critiques objectives dans la musique, le mimétisme musical, la perte de notre identité, l’utilisation abusive de l’outil informatique dans la musique, le manque de volonté politique au plus haut niveau, etc.
Toutefois des forces et des opportunités existent. Il s’agit de restaurer la musique burkinabè depuis les années 60 à nos jours, répertorier des musiques standards comme la guitare de Tinga, mieux exploiter la diversité culturelle donc musicale…
En tout cas, il serait incongru de dire que cet atelier de réflexion a accouché d’une souris, puisqu’au terme des travaux, les experts devraient parvenir à un plan d’action triennal 2019-2020-2021. Ce qui fut fait.
Des recommandations pertinentes ont été faites afin de faire rayonner la musique burkinabè au plus haut niveau, en Afrique et dans le monde. Entre autres, la nécessité de la mise en place des orchestres dans les collectivités, la création d’un conservatoire, le plaidoyer direct à l’endroit du Président du Faso pour une augmentation du budget du ministère de la Culture, une rencontre avec la commission Culture à l’Assemblée nationale, la proposition d’un quota sur la diffusion de la musique dans les cahiers de charge de l’ouverture d’un maquis avec la mairie, la promotion de la critique d’art sur les œuvres, l’accompagnement des journalistes culturels. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2022/02/07/problematique-de-la-musique-burkinabe-des-recommandations-pertinentes-a-la-poubelle/
Dramane Konaté qui était le conseiller technique du ministre, avait promis de transmettre à qui de droit les conclusions des travaux.
Cinq ans après, il semble que tous les efforts consentis par les participants, pour permettre le véritable développement de la musique au Burkina Faso restent lamentablement inutiles.
Rendez-vous compte que la problématique de la musique burkinabè est connue, les faiblesses et menaces sont identifiées, les forces et opportunités sont rappelées et les solutions toujours dans les tiroirs de l’administration. Qu’est-ce qu’il faut en faire ?
Si Abdoul Karim Sango n’a pas disposé de temps, Elise Thiombiano et Ousséni Tamboura aussi, et encore moins Valérie Kaboré, l’actuel ministre en charge de la culture, Jean Emmanuel Ouédraogo a peut-être les clés en mains pour rentrer dans l’histoire. Il suffit juste de manifester sa volonté ! Sinon, on a cette impression d’aboyer et laisser passer la caravane.
La Rédaction