Lutte contre le terrorisme : Les mânes des ancêtres sont-ils inefficaces ? 

Lutte contre le terrorisme : Les mânes des ancêtres sont-ils inefficaces ? 

Le Burkina Faso a connu pour la énième fois une attaque terroriste très meurtrière, dans la nuit du 11 au 12 juin 2022 à Seytenga, dans la province du Seno. Cette attaque lâche et odieuse s’est soldée par la mort de 86 personnes selon le décompte officiel. Un lourd bilan après ceux d’Inata et de Solhan.

Il est clair que la lutte contre le terrorisme sera de longue haleine. Depuis 2016, nous avons, six ans après, du mal à saisir le taureau par les cornes. Nous avons tout tenté. Stratégie militaire après stratégie militaire. Chef  d’Etat Major après chef d’Etat Major. Chef de guerre après chef de guerre. Mais hélas ! L’option militaire ou « le tout militaire » est donc en train de montrer ses limites au grand dam de tous.

D’autres voies ou moyens doivent donc être explorées. D’autres types de solutions doivent être envisagés. Malheureusement, jusque-là vantée, chantée sur tous les toits comme l’une des solutions infaillibles dans la lutte contre l’extrémisme violent ou le terrorisme, l’invocation des mânes des ancêtres à travers la multiplication des rites et traditions ne semble pas dans les faits, intéresser l’élite politique ou la majorité des Burkinabè. Pire, certains s’en moquent.

Pourtant, rappelons-nous cette confession de l’ex-président français, Jacques Chirac. Il avouait ceci dans Le Monde, le 13 février 2007 : « Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières : après, on a dit : ils (les Africains) ne sont bons à rien. Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons  ».

Apparemment, nous n’avons pas encore pu lire entre les lignes. Les dirigeants burkinabè actuels l’ont-ils enfin compris?

Ils ont lancé la création de comités locaux de dialogue, avec le concours des leaders coutumiers, dans les zones à fort défi sécuritaire. L’objectif est de tendre la main à ces fils du Burkina qui voudraient déposer les armes après avoir été « endoctrinés » pour rejoindre les groupes terroristes. Cette mesure est déjà à saluer. Il faut également dans cet élan utiliser la culture pour conjurer le sort. Nous sommes Burkinabè dans l’âme, nous y croyons.

La culture, comme un véritable moyen de lutte contre le terrorisme, visiblement, relève plus du discours politique (ou de la démagogie).

A l’instar des autres pays africains, la patrie des Hommes intègres, en dehors des religions révélées, voue aussi un culte aux mânes de ses ancêtres. Nous ne devons pas oublier que certaines pratiques mystiques restent notre religion originelle. Ne nous voilons pas la face. Nous sommes avant tout des Burkinabè, donc des Africains. La culture (nous l’avons déjà relevé dans notre éditorial du 6 avril 2022, Lutte contre le terrorisme : Réponse militaire curative, réponse culturelle préventive), est une réponse préventive efficace dans la radicalisation des Burkinabè. Au-delà de prévenir, le ver étant dans la pomme, il faut explorer la réponse curative aussi. Qu’est-ce à dire ?

Notre pays regorge, toujours à ce jour, des dépositaires de la tradition, des garants de nos us et coutumes aux pouvoirs et rites puissants. C’est pourquoi, le temps est venu de recourir véritablement à cette culture identitaire intrinsèque ou du moins ce qui en fait sa force pour mettre fin à ces tueries barbares. N’est-il pas possible ? Pensez-vous que les mânes des ancêtres sont inefficaces ?

Pour les esprits cartésiens ou les Burkinabè « européanisés », ce raisonnement peut paraître certes anodin voire comique ou ridicule ou encore absurde.

Mais les mânes de nos ancêtres, nos fétiches, qu’on le veuille ou non, n’ont pas perdu leur pouvoir d’antan. Des sacrifices, des rituels, des invocations peuvent donc être initiés au vu de tous. 

Il appartiendra à nos autorités et au ministère des Affaires religieuse et coutumière d’en trouver la formule avec bien sûr le concours des dépositaires de nos traditions. Comme on le dit couramment, « retournons au village ». Car, il est inconcevable, par exemple, que, dans notre pays, des régions, réputées pour leur mysticisme ou animisme (la région de l’Est par exemple), soient malheureusement celles qui sont les plus frappées par l’hydre terroriste. Où sont les mânes de nos ancêtres qui ont courageusement résisté à l’invasion coloniale et ont rétabli l’autorité territoriale de la Haute Volta? Mais, ils sont bien là. Invoquons-les. Des renforts. Et si après tout, le mal persiste, disparaissons, car les mânes ne veillent plus sur nous !

La Rédaction

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