Francis Kéré, accueilli en héros : Reconnaissance pérenne ou de la poudre aux yeux ?

Diébédo Francis Kéré

L’architecte contemporain burkinabè de 57 ans, Diébédo Francis Kéré a reçu le 15 mars 2022 le prix Pritzker, prix Nobel de l’architecture. A travers cet ultime honneur, il entre dans le panthéon mondial des architectes les plus adoubés de l’univers. Premier africain dans cette prestigieuse distinction, le natif de Gando a été triomphalement accueilli dès son retour au bercail, le 30 mai 2022.

A l’Aéroport international de Ouagadougou, c’est une délégation gouvernementale composée de plusieurs ministres qui était en ligne de mire. Une haie d’honneur est érigée pour acclamer Francis Kéré, le « roi de l’architecture contemporaine ». « Grâce à vos efforts, vous avez pu planter le drapeau du Burkina Faso sur le panthéon de la gloire », a félicité à la première occasion le ministre d’Etat, ministre en charge de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale, Yéro Boly.

Nous nous en réjouissons. Car, l’interpellation du média en ligne spécialisé « Kulture Kibaré », dans son éditorial du 3 mai 2022, titré « Audience des champions à Kosyam : évitons le deux poids et deux mesures », n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Cela témoigne de l’intérêt que l’opinion et l’autorité en particulier a, vis-à-vis de notre engagement professionnel à faire reconsidérer la culture comme axe principal du développement.

Celui à qui le tapis rouge a été déroulé, a laissé manifester visiblement toute sa reconnaissance envers son pays. Selon ses propos, c’est le soutien de tout le peuple burkinabè qui l’a hissé à ce rang. Très humble et modeste dans ses mots, notre héros continental a dédié ce prix à toute la patrie des Hommes intègres. « Je voudrais dédier ce prix-là à tout le Burkina Faso, à tous les hommes, les femmes, les enfants, la jeunesse qui se battent mais qui n’ont pas cette chance que j’ai. J’ai eu la chance, c’est tout », s’est exprimé l’architecte.

Mais, se préoccupe-t-il en ce moment du sort qui lui sera réservé après tout ce « djandjoba » ?

D’aussi loin que l’on se souvienne, le Burkinabè a toujours aimé le sensationnel ou l’émotionnel. Certains sont avertis du populisme du genre, c’est-à-dire, acclamer deux jours et se taire à jamais. Sinon, que devient le vieux Yacouba Sawadogo, « Prix alternatif » et surnommé « l’homme qui arrêta le désert » ? Nous avons malheureusement la profonde douleur et le regret de vous rappeler que chez nous, on chante, on applaudit et on se tait. Le scénario du film changera-t-il avec notre prix Pritzker ?

Rendez-vous compte qu’après la célébration d’un champion, en tout cas pour la plupart des cas, aucun acte fort n’est suivi pour exploiter suffisamment celui-ci au profit de toute la nation. Le « génie » en question qui pourrait à cet effet, s’engager dans le véritable sentier du développement durable de son pays se retrouve quelques temps aux oubliettes.

C’est pourtant, partant de cette reconnaissance mondiale que Francis Kéré, l’un des meilleurs architectes du monde, devrait être mis sur orbite et servir son pays, son continent. Pour ce faire, la reconnaissance de toute la nation doit demeurer pérenne.

Malick SAAGA

Kulture Kibaré