Mode burkinabè : Du tohu-bohu dans les rangs
Les métiers de la mode connaissent depuis quelques années une certaine vitalité au pays des Hommes intègres. Avec la révalorisation des pagnes tels le Koko Donda ou le Faso Dan Fani, on assiste ainsi, de plus en plus à une floraison d’activités autour de ces tissus labélisés du Burkina Faso.
Cela est de bonne guerre, étant donné qu’à travers la mode de nombreux emplois directs ou indirects sont créés chaque jour. L’économie nationale se trouve par la même occasion boostée et le chômage réduit.
Ce regain d’activités a suscité également un autre phénomène plus ou moins positif. Il s’agit de l’émergence de stylistes, modélistes, designers, etc.
Cependant, tout individu maîtrisant les bases élémentaires de la coupe couture et sachant « pédaler » une machine à coudre est-il d’office un de ces créateurs/concepteurs de mode ?
Bon nombre s’autoproclament sur tous les toits, créateurs. Pire, la plupart n’hésitent pas à accumuler toutes les branches de la mode. C’est ainsi que cette sphère au Burkina Faso est devenue un véritable fourre-tout où règnent des « charlatans » et un tohu-bohu sans précédent. Pourtant, il s’agit de métiers bien distincts avec pour dénominateur commun la formation.
Combien de nos pseudos jeunes « créateurs de mode » sont issus d’une école de formation formelle de mode ? La majeure partie a presque appris sur le tas. Et d’apprentis-tailleurs, ils sont devenus comme par magie des stylistes ou des modélistes, notamment lorsqu’ils ont eu les moyens de s’installer à leur propre compte. C’est bien, c’est ambitieux, mais il faut éviter l’amalgame et la prétention autour des expressions styliste, modéliste, designer, etc.
Attention à ne pas s’accorder les titres à tort. Au pays des aveugles, le borgne est roi, dit-on. Au-delà des frontières burkinabè, certains risquent de se faire vite recadrer dans leur présentation, sinon leur pédantisme.
Sous d’autres cieux, il existe, en effet, différentes formations pour devenir styliste ou modéliste : Brevet de Technicien supérieur (BTS), Designer de mode, Textile et Environnement ; Diplôme supérieur d’Arts Appliqués, Mode et Environnement, etc. En réalité, au Burkina Faso, nous avons plus affaire à des couturiers qu’à des stylistes ou des modélistes. Qu’est-ce qu’un couturier ?
Le couturier est au sens plein du terme une personne qui utilise des tissus pour confectionner des vêtements sur mesure à l’aide, notamment d’une machine à coudre (www.linternaute.fr). C’est une personne qui exécute des travaux de couture. Il est donc un exécutant dans la fabrique des vêtements. Tandis que le styliste dessine des modèles qui composent les collections de prêt-à-porter. Et si le ou les modèles produits sont uniques et jamais vus nulle part ailleurs, on parle alors de « création de mode ».
Vu sous cet angle, combien de créateurs de mode avons-nous au Burkina Faso ? Bien malin qui saura alors le dire ?
En ce qui concerne le modéliste, son rôle consiste à donner vie aux croquis dessinés par le styliste (www.orientation.com).
Quant au designer textile dont se prévalent à tort de nombreuses personnes, il est chargé de créer la matière avec laquelle va travailler le styliste, le modéliste, etc. (www.textileaddict.me). Or, au Burkina Faso, les principales matières sont généralement connues (Faso Dan Fani, Koko Donda, pagnes Wax, Indigo, Bogolan, etc.). Si des designers, il en existe au Burkina Faso, ils sont cependant discrets. Ces jeunes professionnels burkinabè qui s’arrogent tous les titres devraient alors, revoir leur profil et éviter la confusion, s’ils aspirent à un positionnement au niveau international. Au Burkina Faso, on peut hypocritement se voiler la face mais ailleurs, on risque de se rendre ridicule.
Après tout ce constat, il convient donc à chacun, notamment aux passionnés, aux aspirants, à ces jeunes professionnels qui se plaisent dans la mode, d’en tirer les conclusions, d’éviter le snobisme afin de se dresser haut. Usurpation d’identité ou simple ignorance ? Il faudra sérieusement se redéfinir en vrai.
La Rédaction