Cinéma : Des formations qui menacent la survie des instituts formels
Depuis plusieurs mois, des offres de formation sur le graphisme, l’infographie, la bureautique prolifèrent à un rythme effréné. Dans la même dynamique, des formations en audiovisuel et en cinéma (production, réalisation, écriture de scénario, jeu d’acteur, montage, etc.) sont initiées ici et là. Les annonces de ce genre sont légions sur les réseaux sociaux.
De prime abord, il convient de saluer ce dynamisme et cet engouement pour la pratique cinématographique surtout. De cette prolifération de formations, va sans doute naître d’ici à quelques années de nouveaux talents devant ou derrière la caméra. Nous l’espérons !
Appelé à tort ou à raison « capitale du cinéma africain », notre pays, et c’est un secret de Polichinelle, souffre de l’immobilisme et du dogmatisme de son 7e art. En d’autres termes, le cinéma made in Burkina Faso a besoin de se voir injecter du sang neuf sur tous les plans. La formation, encore la formation est impérative. C’est d’ailleurs de notre humble avis la condition sine qua non pour sortir le cinéma burkinabè de l’ornière dans laquelle il se trouve depuis plus de deux décennies. Il va donc de soi que ces formations dans le 7e art observées ça et là soient vulgarisées.
Toutefois, des interrogations, voire des inquiétudes subsistent en ce qui concerne la légitimité de ces « structures informelles » qui dament progressivement le pion à des écoles ou instituts formels tels l’Institut Imagine, l’Institut Supérieur de l’Image et du Son – Studio Ecole (ISIS-SE), etc.
Outre leur caractère parfois non officiel, le contenu des formations offertes par ces « structures déstructurées » est souvent remis en cause par des professionnels du cinéma. Quels modules dispensés? Quelle pédagogie? Quel est le profil des formateurs? Qui sont les participants? Le constat est très souvent lamentable. En plus de ce tâtonnement, des attestations de formation sont offertes. Quelle est la valeur académique d’un tel document ? Où peut-il servir ? Mieux, ces attestations peuvent-elles tenir lieu de diplômes dûment reconnus par l’Etat burkinabè ou les organismes de financement? La réalisation d’un film surtout n’est pas à banaliser. C’est une école. C’est dommage que sous nos tropiques des jeunes gens s’y lancent sans les bagages requis.
Alors, s’il est vrai que de nombreux réalisateurs, notamment ceux de la nouvelle génération, ont appris sur le tas, il faut reconnaître que les monuments de notre 7e art, citons entre autres Gaston Kaboré, Idrissa Ouédraogo, Saint Pierre Yaméogo sont jusqu’à preuve du contraire, passés par des écoles de formation dont le sérieux et les diplômes ne souffrent d’aucune contestation. Et nous le savons tous, les diplômes constituent de véritables passeports pour obtenir des financements ou se voir confier la réalisation d’un film auprès des organismes de financement. C’est du moins la pratique dans la plupart des pays européens. Là-bas un film est une affaire assez sérieuse pour remettre sa réalisation à un individu qui ne dispose que d’une attestation de formation.
Si l’Etat à travers le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme reste les bras croisés face à cette déferlante amateuriste, il est à craindre que cela impacte négativement notre secteur cinématographique et sonner peut-être la mort des instituts formels et reconnus. Nul ne peut venir à bout de cette vague de libéralisme qui fait le lit de ces prétendues « structures de formation » qui, faut-il malheureusement, le regretter, ont pignon sur rue.
Cependant, le département de tutelle gagnerait à organiser le secteur en légiférant sur ces formations dans le seul but d’asseoir une certaine rigueur. S’il y a lieu d’octroyer des subventions de l’Etat dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel, il faudrait un suivi sérieux et rigoureux dans la mise en œuvre des projets.
Il est temps de sortir de la stagnation et d’amorcer enfin le chantier d’une véritable industrie cinématographique du Burkina Faso. Sinon, bienvenue dans la sphère des films burkinabè amateurs de piètres qualités et non compétitifs.
La Rédaction