Labellisation du « poulet bicyclette » : De la charrue avant les bœufs
Après les pagnes Faso Dan Fani et le Kôkô Dunda; le Chapeau de Saponé; le Beurre de karité … le Burkina Faso est sur le point de labéliser son fameux, « poulet bicyclette ». Le ministère des Ressources animales et halieutiques en collaboration avec celui en charge de l’industrie du commerce et de l’artisanat viennent, en effet, de donner, le lundi 5 juillet 2021 à Ouagadougou, le ton du processus de labellisation de notre délicieux et tendre « poulet bicyclette ».
Tout en désignant notre poulet local non congelé et non importé, le « poulet bicyclette » est devenu, de manière informelle, en l’espace de quelques années, la marque déposée du pays des Hommes intègres en matière de spécialité culinaire. La renommée de ce pan de notre art culinaire a, aujourd’hui, franchi les frontières. Car, à l’étranger, le « poulet bicyclette » suscite de plus en plus de la curiosité chez bon nombre de personnes.
Cette spécialité est d’ailleurs l’un des mets que s’empressent de consommer les expatriés ou touristes lorsqu’ils foulent pour la première fois le sol du pays des Hommes intègres. Parce qu’ils auraient, confiaient certains, entendu parler. L’on pourrait dire, sans risque de se tromper ou de blasphémer, qu’en termes de popularité, le « poulet bicyclette » suit de très près les échos de la révolution d’août 83.
Alors, cette décision visionnaire et révolutionnaire de nos autorités de labéliser ce « poulet bicyclette » est à saluer à plus d’un titre.
Rendez-vous compte, selon la Direction des études sectorielles et des statistiques du ministère des ressources animales et halieutiques (2018), la consommation journalière de la ville de Ouagadougou se chiffrait à 80 mille poulets par jour. Et si l’on part du principe qu’un poulet coûte en moyenne 3 000 FCFA, c’est environ 240 millions FCFA qui sont injectés chaque jour dans l’économie nationale et ce, uniquement pour la ville de Ouagadougou. Imaginons alors les retombées économiques à l’échelle nationale et sur une période de 30 jours ou d’une année. De quoi donner le tournis !
Toutefois, une fois les pieds sur terre, il convient, faut-il le noter, de regarder la réalité en face. Contrairement à celle des pagnes Faso Dan Fani, Kôkô Dunda, du Chapeau de Saponé, du Beurre de karité, etc. la labélisation du « poulet bicyclette » ne sera pas chose aisée dans la pratique à notre humble avis. Et pour cause. Nous sommes dans le domaine des arts culinaires, et qui dit cuisine ou spécialité culinaire, dit nécessairement « recette ».
Comparaison n’est certes pas raison, mais aux Etats-Unis, la recette originale du célèbre poulet frit qui a fait le succès de la chaine de fast-food Kentucky Fried Chicken (KFC) est, depuis 1940, secrète et jalousement bien gardée dans un coffre-fort, et sous la protection d’un avocat mandaté. Nous osons croire que nous sommes dans le même cas. Pour atteindre donc ce stade, nos autorités et les acteurs de la gastronomie devront impérativement répondre aux lancinantes questions.
Existe-t-il une recette officielle de préparation du « poulet bicyclette » burkinabè? Comment sera protégée juridiquement cette recette? Qui est autorisé à connaître les ingrédients qui rentrent dans sa préparation? Les vendeurs de « poulet bicyclette » burkinabè sont-ils réunis au sein d’un ordre reconnu par la loi? Comment empêcher que cette recette ne tombe pas entre les mains des nombreux vendeurs de poulets bicyclettes étrangers? Il n’aurait pas été judicieux d’attendre la définition et la mise en place des instruments techniques de la labellisation du « poulet bicyclette » avant le lancement officiel des activités ? Nos autorités ne viennent-elles pas de mettre la charrue avant les poulets, pardon les bœufs ?
Au risque de nous tromper sur cette approche (recette ou appellation) de labellisation de notre « poulet bicyclette », nous gardons bien les oreilles ouvertes.
La Rédaction
