7e art : Oumar Dagnon couronné en Inde explique tout dans les détails
Le producteur et réalisateur burkinabè de films, Oumar Dagnon a réalisé un autre exploit avec son film « A bout de souffle ». Il a remporté le premier prix au Sprouting Seed International Short Film Festival (SSISFF), à Maharashtra, en Inde. Il s’agirait d’un festival de rencontres de stars de cinéma mais aussi de célébration de mérite des courts et longs métrages fictions et de films documentaires. Pour en savoir davantage sur cet évènement et le sacre revenu à un Burkinabè, nous avons reçu Oumar Dagnon dans les locaux de Kulture Kibaré, pour des échanges précis. Entretien !
Kulture Kibaré (K.K) : Présentez-nous brièvement le Sprouting Seed International Short Film Festival (SSISFF), qui a lieu en Inde et qui a connu votre participation ?
Oumar Dagnon (O.D) : Le Sprouting Seed International Short Film Festival est un festival qui se passe en Inde. Je pense que lorsqu’on est manager ou producteur, on cherche à scruter d’autres horizons pour essayer de voir dans quelle mesure, on peut postuler avec nos films. J’ai alors découvert le festival sur la plateforme, Film freeway, sur internet. J’ai postulé car j’ai remarqué que c’était un festival qui était sérieux en Inde et selon mes recherches, c’est l’un des plus grands évènements cinématographiques de l’Inde à travers le monde. Ce festival essaie de mettre en lumière les films indiens et les films internationaux. C’est ainsi que nous avons postulé et les choses se sont déroulées comme ça devrait se dérouler. Le SSISFF essaie de rehausser le profil des films, à contribuer au développement du cinéma et à stimuler l’industrie cinématographique à l’international. C’est une plateforme aussi d’exploration artistique et de divertissement. C’est l’un des plus grands festivals de films, grand public, au monde.
K.K : Expliquez-nous, votre démarche, allant de la participation à ce marché à votre sacre, dont ignorent toujours bon nombre de vos collègues cinéastes burkinabè.
O.D : Dans ma démarche de producteur, j’ai postulé avec deux films, About de souffle en long métrage et Madjigui en court métrage, réalisé par Mouna N’Diaye. Les deux films ont été sélectionnés dès le départ. A la sélection officielle, il y avait 471 films qu’il fallait repartir dans les différentes catégories. Leur démarche est simple. Il y a un jury qui est là qui travaille d’abord à apprécier les films. Et à chaque étape, on vous informe que votre film est à tel ou tel niveau. Si le film est éliminé, vous êtes aussi informés. Tous les deux films postulés ont franchi les quarts de finales. Madjigui a été recalé en demi-finale et A bout de souffle est passé en finale. Les 10 meilleurs films qui arrivent en finale seront appréciés par un jury afin de pouvoir décerner les prix. C’était déjà une fierté pour nous d’être dans les tops 10, car les réalisateurs avec qui on était en compétition, ce n’était pas si évident. Il y avait des Indiens, des Italiens, des Portugais, des Colombiens et à côté un Burkinabè. C’était vraiment une fierté. Il y a eu la cérémonie en présentiel, là-bas en Inde qui a été retransmise sur leurs chaînes de télévision. Mais Covid-19 oblige, on ne pouvait pas y aller. Aussi pendant la cérémonie, ils parlaient leur langue. Je n’arrivais pas à bien m’imprégner des résultats. Et c’est quand ils ont officiellement publié dans leur site internet tous les résultats que nous nous sommes rendus compte qu’on était premier. C’est une grande surprise et en même temps une fierté pour nous. Le SSISFF est en train de s’atteler à nous envoyer le trophée.
K.K : Vous remportez le premier prix avec votre film « A bout de souffle », sorti en 2019. Quelle est la particularité de cette fiction qui continue d’engranger des lauriers ?
O.D : Je pense que c’est peut-être le sujet qu’on a abordé dans le film et la sincérité du jeu d’acteur qui est interprété par un grand acteur mondial, Issaka Sawadogo et aussi des autres acteurs comme Moïse Tiemtoré, Josiane Hien, entre autres. C’est vrai qu’il y a l’histoire mais il y a aussi l’équipe technique qu’il faut saluer le mérite. Elle a joué sa partition. Nous avons osé, nous avons tenté d’expérimenter d’autres techniques, car j’ai eu cette chance d’être sur le plateau de Guyane. A mon retour au bercail, cela m’a motivé à tourner A bout de souffle. Je revenais bien évidemment avec d’autres visions, d’autres manières de tourner, etc. C’est dire que l’équipe technique sous ma direction a su donner le meilleur. Les acteurs sous la direction de Issaka Sawadogo, aussi. Le film se retrouve avec une histoire forte et avec des techniciens qui ont travaillé comme il fallait. Ça ne m’étonne pas trop les prix que ce long métrage est en train d’engranger.
K.K : Le jeu de Issaka Sawadogo dans le film a-t-il vraiment pesé dans la balance en votre faveur ?
O.D : Je pense que lorsqu’on est le meilleur film, c’est tous ceux qui ont travaillé sur le projet qu’on voit. C’est vrai qu’avoir une icône comme Issaka Sawadogo dans un film, ça vend déjà le produit. Sur cet aspect, je ne m’inquiétais pas trop. Pour dire vrai, je croyais que même si on allait avoir le prix, c’était peut-être dans la catégorie meilleur acteur. Mais lorsqu’on est révélé meilleur film long métrage fiction, c’est tous les différents paramètres qui ont été pris en compte par le jury. Je pense que l’un dans l’autre, la participation de Issaka Sawadogo a été un soutien fort. Mais on ne va pas nier l’apport des autres. Aujourd’hui, c’est la victoire de toute une équipe qui a cru à ce projet qui n’a pas eu de financement. C’était dans la douleur qu’A bout de souffle s’est réalisé et jusqu’à présent, nous savons les réalités vécues. Notre satisfaction, ce n’est pas nécessairement le côté pécuniaire. Parce que tous ceux qui ont participés à ce film, ont été informés de la démarche qui consistait à faire les choses autrement.
K.K : Quelle est la valeur du trophée et quel peut être son impact dans la suite de votre carrière ?
O.D : Dans la plupart des festivals à l’international, le trophée est accompagné d’une attestation mais pas de l’argent. Le plus important, c’est déjà le fait qu’on se fait un carnet d’adresse, un circuit où on nous connait. N’eut été la Covid-19, on aurait été sur place, là-bas. Il faut aussi rappeler que l’Inde, c’est Bollywood. Et qui parle de Bollywood parle de la deuxième grande puissance mondiale en terme de production de cinéma. Vous conviendrez avec moi aussi que c’est un large marché et qu’il faudra explorer. C’est déjà un grand pas pour moi. Cette ouverture va nous permettre tous, d’établir des liens de coproduction entre les différents producteurs et réalisateurs à l’international. C’est à mon avantage donc d’être dans le palmarès de ce festival. L’autre avantage aussi, est que ce prix nous donne plus de crédibilité et de fiabilité sur le plan national. Tous les prix qu’on a pu avoir, c’est dire que lorsqu’on va postuler à l’international pour des financements, ça peut faciliter les choses.
K.K : Vous avez désormais un palmarès au SSISFF, quel sera votre prochain défi ?
O.D : Les défis pour moi ainsi que pour toute l’équipe c’est de faire le maximum de production à partir de 2021 et de se dire qu’on va y arriver. Parce qu’il n’y pas de raison que ça marche ailleurs et que ça ne marche pas ici. Je crois qu’en 2021, on sera plus axé sur les séries télévisées, parce qu’il faut lancer l’industrie véritablement, du cinéma et de l’audiovisuel au Burkina Faso. Le seul maillon qui peut générer un peu plus vite de ressources, c’est la série télévisée. On s’y penchera mais on ne va pas occulter les longs et courts métrages.
Interview réalisé par Malick SAAGA
Félicitations à Dagnon !