Edito : Au secours, la musique burkinabè est plantée !

Edito : Au secours, la musique burkinabè est plantée !

Lors d’un atelier national de réflexion sur la diffusion et la promotion de la musique burkinabè, en décembre 2018, la crème des acteurs culturels de la filière musique, s’était réunie pour réfléchir sur la promotion de la musique burkinabè. A ce conclave, définir de manière rigoureuse la « musique burkinabè » constituait un préalable avant d’envisager un modèle économique adapté au contexte discographique mondial. A l’issue des débats, les participants sont parvenus à accorder leur violon sur une définition « consensuelle » de la « musique burkinabè».

Les caractéristiques de la musique burkinabè

Est considérée « musique burkinabè l’ensemble des sonorités et des rythmes d’expressions instrumentales et/ou vocales (inspirées par la musicalité de la langue) corporelles, littéraires, poétiques, symboliques et cultuelles ou non, authentiques et singulières, qui véhiculent la culture burkinabé qui la véhicule, et auxquels, dans la durée et des espaces territoriaux divers, s’identifient un plus grand nombre de Burkinabé, dans leur diversité et composantes multiples ». Comme on peut le voir, cette conception de la « musique made in Burkina » met en exergue quelques principales caractéristiques d’identification que sont, entre autres, la sonorité, le rythme, les instruments, l’expression corporelle, l’espace, la langue, etc.

L’artiste reflète son environnement

De ce qui précède, il devient dès lors quasi impossible de soustraire un artiste de son environnement. L’art a toujours exprimé, dans son essence, une identité. Chaque société (et par extension tout individu) s’en sert pour se promouvoir. Autrement dit, les expressions artistiques deviennent naturellement la carte d’identité d’un pays voire d’un continent. La musique, à l’instar du théâtre, du cinéma, de la danse, de l’architecture, véhicule également des traditions. Dans la définition de la musique burkinabè vue plus haut, la langue est-elle une caractéristique suffisante et solide pour parler d’identité musicale burkinabè? Une épineuse et lancinante question qui semble diviser les opinions. De notre humble avis, la langue peut exprimer la musicalité certes, mais elle ne peut pas être la principale mesure d’une identité musicale. Chanter du Zouk en mooré ou du Zouglou en bissa ou encore du M’balax en gourmantché, est-ce faire de la musique burkinabè ? A chacun d’en apprécier.

Rupture avec  le passé

L’une des légendes de la musique burkinabè Georges Ouédraogo dit le « Gandaogo national », avait avoué, au cours d’une émission, avoir eu tort de faire du slow français à l’époque. Il s’était vite résigné avant de revenir à la raison. Aujourd’hui, bien qu’il ne soit plus de ce monde, ses œuvres restent des classiques de la musique du terroir moaga. Bil Aka Kora est aussi un bel exemple en matière de diffusion et de promotion de la musique burkinabè. Cet artiste-musicien, à travers sa recherche musicale, a modelé le Djongo à sa guise, pour en faire une musique burkinabè incontestablement populaire et célèbre tout en restant ouvert à d’autres cultures musicales du monde. Le « Roi du djongo » a une personnalité musicale intrinsèque quand il s’exprime. Il est le prototype d’une identité musicale burkinabè. Inébranlable, aucune tendance musicale n’est parvenue à infirmer cette thèse.

Malheureusement, aujourd’hui, nul ne peut en dire autant de la génération actuelle d’artistes musiciens burkinabè. Les jeunes artistes-vedettes n’ont pas, devons-nous le regretter, été suffisamment nourris à la sève de la culture musicale burkinabè. Le train musical semble avoir été pris en marche sans s’imprégner auparavant des valeurs identitaires propres à leur société. La plupart des jeunes crooners donnent l’impression de suivre la direction du vent. Cette nouvelle génération de vedettes de la chanson dite moderne, avouons-le, a perdu la boussole identitaire musicale. Elle a coupé les ponts et navigue donc à vue. Ces jeunes talents en vogue sont, pour le dire crûment, à la croisée des chemins. Leur repère est sans repère. Ils ont certes le style, la frime, les outils marketing et de communication facilités par internet, mais, ne disposent pas de la formation artistique musicale requise.

De Tanya à Amzy, en passant par Toksa ou Hugo Boss, pour ne citer que ces jeunes gens, ils courent tous vite sans un véritable fond artistique, sans une formation sérieuse musicale technique (chant) . Leurs œuvres MAO (Musique Assistée par Ordinateur) les anoblissent tandis que leurs performances live les ridiculisent. Sur une scène live, ils laissent le public sombrer dans l’ennui, voire l’indifférence totale. Ils sont pourtant les plus applaudis du moment par des mélomanes profanes. Dommage ! Les Burkinabè sont passés maîtres dans l’art de caresser dans le sens des poils. Hypocrisie ou ignorance ? Bien malin qui pourra le dire.

Si jusque-là, la musique burkinabè à l’image du Djongo, peine à s’imposer partout dans le monde entier, c’est justement parce que cette conscience collective sur la vie musicale a tendance à encourager la légèreté, le superflu ou l’à peu près. Le Burkina Faso, ce pays culturel par excellence est en ce moment grand consommateur de musiques étrangères. Pendant combien de temps devons-nous continuer à ingurgiter ces sonorités musicales abjectes, et surtout cette soi-disant musique burkinabè hybride? L’état actuel de notre musique étant devenu lamentable, pitoyable avec cette nouvelle génération d’artistes, il ne nous reste plus qu’attendre un…hypothétique miracle!

La Rédaction

 

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COMMENTAIRES

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    Simon 3 ans

    La musique est notre identité ! La traduction de notre être intérieur. Elle résume notre tradition nos projections, nos rêves,nos émotion, nos évolutions, nos joies et révoltes »… Bref notre humanité…
    Quand je suis en France je n’entends que la musique française principalement.Quand je suis en Côte d’Ivoire le zoblazo et le coupé décalé rythment ma journée dans les maquis, dans les boites de nuit et à la télé. Au Ghana on écoute ghanéen. En Guinée la musique mandingue chantant les hauts faits de leur révolution et des familles ancestrales sans oublier le hip hop en Bambana font bouger les jeunes et les vieux. Au Sénégal c’est le mbalar pur ou relooké au goût de la jeunesse qui unit le peuple de Singhor…

    Au Burkina on est fier de ne pas avoir dans sa discothèque que la collection de Mikaël Jackson, Elton John, la musique congolaise ou ivoirienne.On connais par coeur les chansons de Magique Système et autre Oumou Sangaré.
    Au niveau média et dans les boites de nuit, la musique burkinabè devient l’exception.. Juste  »un bouche trou » le temps de repartir sur la bonne musique internationale…

    Et pour mieux vendre, nos arrangeurs ont su bien s’accomder aux games et tympos de l’afro bit nigérian, ce boum boum boum né des Tam- tams du peuple yorouba comme si le royaume moaga,les peulh ou les gourounsi n’ont jamais eu d’instruments dignes à se laisser reproduire dans le » bit » qui puisse faire danser le burkinabè …

    Et que dire de la loi…? Après la révolution du  »consommons burkinabè » , la démocratie rime avec perte d’identé ,libertinage culturel où aucune loi ne devrait imposer le 100%100 musique de chez nous… À la radio dans les dancing et autres cérémonies de l’Etat …pire lors des campagnes électorales pour remplir les stades recto verso ,il faut faire venir les grosses pointures de la musique internationale africaine comme si chez nous il n’y avait que des  »tapettes » de petites tailles.

    Musicien mal formé désarmé ,inspiration limitée,starmania avant l’heure,Manque de sérieux dans le travail et la répétition, tenue sur scène extravagante et déconnecté de notre culture, salle de spectacle en lambeaux,outils d’engregistement soit en décalage ou inaccessible, financemement vide ou dérisoire, accompagnement législatif inexistant ou aleatoire, diffusion laisser au bon gré de l’opérateur,public indifférent ,nouvelle technologie inexploitée pour conquérir le marché international !
    Bref tout un cocktail pour plomber cette belle musique de Naaba Abga, de Georges Ouedraogo, de Sami Rama et de Floby…
    Et si Roch pour son quinquenat tapait du point sur la table et criait »Game is over »!