« Raodo » : Le vernissage de la résistance

« Raodo » : Le vernissage de la résistance

Cinq (5) artistes peintres et/ou sculpteurs expriment leur courage face à la peur, dans l’espace Iroko Restaurant Bar, à Ouagadougou, du 21 décembre 2019 au 21 janvier 2020. Il s’agit d’une exposition collective intitulée « Raodo » qui invite à une résistance aux forces du mal en terre des Hommes intègres.  

Face au terrorisme qui sévit, un collectif d’artistes à la fois peintres et sculpteurs, se met en horde de bataille. Ils ont décidé d’utiliser leurs savoir-faire artistiques pour en faire une arme commune contre la terreur des « individus armés non identifiés ». C’est une exposition collective qui se présente comme une résilience certaine pour venir à bout de la violence extrémiste et dont la psychose est réelle.

Eux, ce sont des artistes qui partagent la même vision. Sessi Milia, Patrick Agbowadan, JB Obiang, Romaric Nana Olcano et Mouss Black. Ils sont venus de contrées différentes pour extérioriser leur ressentiment dans un esprit d’équipe.

Et ce n’est pas tous les jours que l’on aperçoit un vernissage sous la houlette d’une femme africaine qui cherche à promouvoir ses jeunes frères ! Ou disons-le de façon explicite, c’est presqu’une première. Pendant, un mois dans le somptueux espace Iroko Restaurant Bar, situé derrière la Croix Rouge, dans le quartier Zone du bois de Ouagadougou, va vibrer aux rythmes de la peinture ou de la sculpture en bois et du fer. C’est la volonté de Lydia Millogo ou Mme Iroko. Cette responsable dudit espace Iroko, a avoué avoir saisi l’opportunité, en ces temps de crise que vit le Burkina Faso pour montrer le courage du peuple. « Ces artistes et moi avons proposé cette activité pour pouvoir montrer que malgré les difficultés, on ne baisse pas les bras ».

Mme Iroko

« Raodo » (courage en mooré) traduit selon l’un du collectif, le peintre burkinabè Jean Baptist Dolomweogo dit JB Obiang, « la résistance face à cette situation que traverse un peu la sous-région aujourd’hui, particulièrement le Burkina Faso, par rapport au terrorisme ». Il a exposé plusieurs toiles dont celle du crocodile face à la poule d’eau. « J’ai représenté sur une de mes toiles, un crocodile face à une poule d’eau. Parce que cette poule d’eau a eu la malchance d’avoir eu ses poussins manger par le crocodile. Et comme il n’y avait plus personne et qu’elle se sentait seule, elle va dire au crocodile : tu as mangé ma famille mais aujourd’hui tu vas devoir me manger aussi. Ou c’est toi ou c’est moi », a expliqué l’artiste pour caricaturer sa perception du courage.

Le collectif des cinq artistes

L’artiste peintre béninois Jean Baptiste Sessi plus connu sous le sobriquet Sessi Milia, a travaillé sur la vanité avec pour titre « l’installation Vonou ». Des calebasses déguisées prenant les différentes formes de visages humains et qui sont suspendues par des fils en l’air. « Ça représente des personnages, qui sont nous, ces humains qui s’accrochent à la vie. Les cordes que j’ai tissées, ça veut dire que ce sont les dimensions de la vie. Nous n’avons pas les mêmes niveaux. D’autres sont en bas et d’autres en haut. Cette situation crée beaucoup d’orgueil, d’égocentrisme et de division. Mais peu importe notre couleur, on va se retrouver sous la terre. Si on arrive à penser un peu à la mort, on va baisser la garde, on va s’aimer. On va savoir que nous sommes les mêmes et la vie ne vaut rien et rien ne vaut la vie ».

Dans le même esprit, Moussa Sawadogo alias Mouss Black, peintre-sculpteur, a proposé aussi plusieurs œuvres sculpturales et peintures dont  « le mauvais tourbillon ». Une manière de dénoncer une humanité qui se métamorphose de façon négative. « Je fournis toute mon énergie pour apporter le positivisme dans mon entourage, dans ma société et si possible dans le monde », a-t-il laissé entendre.

Son coéquipier Jules Romaric Nana (Olcano) invite les Burkinabè à rester débout et avancer malgré tout. Lui, c’est un peintre qui progresse dans l’abstrait. « Le message ici, c’est libre. Tout le monde peut se mettre dans la dimension de l’œuvre. Il y a plein de chose à dire à la fois  et je n’ai pas eu à cerner l’esprit de l’œuvre d’abord. Chacun peut alors s’exprimer en rentrant dans l’âme de l’œuvre ».

Quant à Patrick Agbowadan, peintre togolais, ses différents thèmes individuels tels que « Le suprême », « L’alliance » ou « ambiance »  reposent sur la cohésion sociale.

Richard Seydou Traoré, entrepreneur culturel, PDG de Seydoni Production et visiteur du jour parmi tant d’autres, n’a pas manqué au passage de donner son avis sur ce vernissage. Il marque une satisfaction dans l’ensemble quant à « l’originalité » des œuvres exposées. « Je pense que le niveau est bon quand je compare à ce que j’ai vu à New-York ou en Suède. Ce qui m’inquiète par contre c’est le côté marché ».

Cette exposition collective ne s’est pas faite sans difficultés. A en croire la promotrice du vernissage, elle s’y est impliquée en corps et âme pour permettre à ces artistes de décoller véritablement vers d’autres cieux. Avec ses ressources limitées, elle a néanmoins, pu offrir une résidence d’une dizaine de jours aux cinq artistes, de la restauration, en plus du cadre d’exposition. Un geste solidaire et généreux qui vaut son pesant d’or parce que l’objectif ce n’est pas de rentabiliser financièrement pour elle mais seulement promouvoir de jeunes artistes talentueux.

Et au cours donc de cette exposition ouverte de 11 heures à 23 heures, les visiteurs pourront découvrir non seulement de magnifiques objets d’art mais aussi le cadre enchanteur de Iroko Restaurant Bar qui offre une commodité assez singulière.

Malick SAAGA  

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