Présidence du Faso : Bil Aka Kora en toute vérité sur ce matériel de sonorisation acquis sous Blaise Compaoré

Présidence du Faso : Bil Aka Kora en toute vérité sur ce matériel de sonorisation acquis sous Blaise Compaoré

En prélude de la sortie très prochaine de son sixième album, le « Roi du Djongo », Bil Aka Kora, a accepté volontiers nous entretenir, le 12 décembre 2019, à Ouagadougou sur son activité artistique et ses affaires. Les échanges se sont appesantis, entre autres, sur le fameux matériel de sonorisation de la Présidence du Faso acquis en 2010 sous Blaise Compaoré à coût d’un demi-milliard de FCFA, la relation de l’artiste avec le patron du « Paradis des Meilleurs vins », Biyen Beli, la particularité du prochain album. Le natif de Pô, nous parle dans un langage franc et direct. Lisez !

Kulture Kibaré : Votre dernier album « Vessaba » sur le marché date de 2014. Comment se porte le « Roi du Djongo » après cinq (5) années sans une nouvelle discographie ?

Bil Aka Kora : Je prends beaucoup de temps avant de sortir des albums. Honnêtement, plus j’avance en âge et en créativité, je n’aime pas me répéter. Je n’aime pas m’auto plagié. J’essaie alors de faire des chansons qui sont différentes en termes d’arrangement. Et au bout de cinq (5) ou six (6) albums, il faut prendre du temps pour bien réfléchir, voir l’orientation que je veux donner à un album. Spécifiquement, quand on est à la recherche de quelque chose qui va me donner la même passion que  tous les autres albums, cela prend du temps. Du coup, j’ai travaillé sur le prochain album, il est presque prêt. Je suis allé chercher ailleurs, d’autres types d’arrangements, d’autres types d’inspirations.

K.K : Cela sous-entend que vous ne reviendrez pas avec le même style, c’est-à-dire, l’afro pop sur fond Djongo ?

Bil Aka Kora : Non, pas du tout. Cela fait plus de vingt (20) ans que je crée des chansons. Je ne sortirai pas de là, mais ça sera quelque chose qui correspond et à mon âge physique et à mon expérience musicale.

K.K : Nous vous apercevons de plus en plus avec la structure de production « Shamar Empire Group ». Quels sont vos rapports actuels ?

Bil Aka Kora : Nos rapports sont partis, du fait que je voulais enregistrer une chanson là-bas. Ça ne faisait pas mal de temps que le studio était déjà ouvert. Dans le temps, le Chargé de communication ou c’est le Directeur marketing de la boîte m’a contacté pour que j’aille voir. Je me disais que ça allait ressembler aux mêmes types de studios.  Et puis le jour où j’ai finalement été pour tester, j’ai vu qu’ils avaient de très belles installations dignes de ce qu’on peut retrouver en Europe ou dans des grands pays africains. C’est de là, qu’on a entamé la collaboration avec eux. J’ai été bien précis avec eux et eux aussi. C’est une co-production que je cherche et non une production. Parce que tous mes albums ont été produits par Djongo diffusion. Mais à un moment donné quand on recherche une certaine qualité, une certaine exigence, il faut trouver des partenaires qui sont prêts à accompagner. Alors on a de très bons rapports. J’ai fait plus de quatre (4) mois au studio. Si je devais payer ces frais, c’est coûteux. Je suis toujours accompagné par mon parrain, Biyen Beli. Quel que soit ce que je fais, il m’accompagne dans la limite de sa possibilité. Mais ici, on n’est parti sur nos propres ressources sur cet album.

K.K : Vous êtes le patron de la structure « Djongo diffusion ». La rumeur raconte que vous avez acquis, il y a quelques années, l’un des plus grands équipements de sonorisation pour les besoins de spectacle d’envergure nationale. Eclairez un peu plus nos lanternes sur ce dispositif sonore.

Bil Aka Kora : Pour vous dire vrai, c’est la première fois que je parle de cette histoire de la sono. Je n’ai pas acquis la sono. Dans le temps, c’était une collaboration avec les anciens dirigeants, François Compaoré et Blaise Compaoré. A l’issue d’une prestation que j’ai donnée, ils m’ont appelé pour me demander ce que j’aimerais qu’ils fassent pour moi. Je vois bien à l’évidence à chaque FESPACO, à chaque fois qu’il y a un évènement, on est obligé d’aller prendre du matériel en Côte d’Ivoire ou dans la sous-région. Ce que j’aimerais, c’est qu’on puisse être autonome et que ça puisse profiter à tout le monde. Ils m’ont alors dit ok, d’aller faire une estimation pour le matériel. J’ai pris deux mois à préparer cela, j’ai mis en branle mes contacts notamment Audio live et aussi la maison qui vendait le matériel. On a fait le devis, on a déposé et moi je me suis dit, comme d’habitude, ça va être rangé dans les tiroirs. Après six mois, les gars m’appellent pour dire qu’ils vont mettre le projet en marche. Je suis allé rester deux mois en France pour trouver le matériel et le monter. Parce que d’habitude, les gens partent chercher du matériel, et c’est arriver ici qu’ils veulent couper les câbles, monter et ça ne sonne pas. J’ai voulu que le matériel soit monté et qu’on entende le son avant qu’il ne vienne ici. C’est comme ça, ce matériel a été acquis. Quand on est arrivé ici, on a fait d’abord le test au stade du 4 août, ensuite on l’a sorti pour la campagne présidentielle. On avait formé pour l’occasion, 18 techniciens ici au Burkina Faso avec l’appui des Européens. A terme donc, c’était que le matériel puisse être monté et utilisé ici. On a même fait sortir le matériel pour un FESPACO sous Djongo diffusion. Mais la suite, c’était de trouver une façon de gérer ce matériel. Comme Djongo diffusion porte la responsabilité du matériel et que c’est l’Etat qui a financé le matériel, il était question qu’on monte une structure semi privée pour gérer le matériel. Et cela n’a pas été fait.

K.K : Concrètement, où en est-on avec cette « géante » sonorisation et qui a l’exclusivité de sa gestion ?

Bil Aka Kora : Après, je n’ai plus gérer la sono. Et puis quand il s’agit de mettre ces trucs en place, tu sais bien comment ça se passe au pays. Les gens ont commencé à murmurer que Blaise Compaoré a acheté du matériel pour Bil Aka Kora. C’est sorti ici, c’est rentré ici. Du coup, on a continué à entretenir le matériel. Pour plus d’éclaircissement, je travaillais avec Benjamin Bamogo. Pendant des mois, j’envoyais des techniciens, faire monter le matériel, le souffler et puis rien ne se passait. A un moment donné, j’ai dit non. C’était fatiguant, je ne ferais plus. Cinq ans plus tard, on m’appelle pour qu’on vienne sortir le matériel, j’ai dit non, on ne peut pas le sortir. Il y a une condition préalable pour l’utilisation du matériel et la collaboration. Des années sont passées, le matériel est couché. Si on doit sortir le matériel, des clauses doivent être respectées. C’est comme ça que le matériel est resté jusqu’au départ de Blaise Compaoré. J’ai réécrit après pour demander comment on fait pour ce matériel-là ? De toute façon, le matériel est sous le nom de Djongo diffusion. Jusqu’à l’heure où je vous parle, on m’a tourné, me faisant comprendre d’attendre qu’ils vont faire des enquêtes et jusque-là, zéro. Du coup, ce matériel qu’est-ce qu’il devient ? C’est un matériel qui est forcément mort. Ça dû être dispersé, dispatché. J’ai eu quelques échos mais ce matériel date de 2010. Neuf ans plus tard, pour un matériel qui est posé, ça n’a pas de sens. Je ne sais donc pas où on en est et qui a l’exclusivité de la gestion.

K.K : Est-ce que vous vous définissez depuis un certain moment comme artiste-musicien et homme d’affaire par le truchement de « Djongo Diffusion » / « Vin Djongo » ?

Bil Aka Kora : Homme d’affaire, c’est trop dit. L’histoire du vin Djongo est une question de royalties. C’est une collaboration entre Biyen Beli et moi. Cela veut dire qu’à chaque fois qu’on avait des activités à savoir le festival, tout ce qui était activité artistique, le parrain, Biyen Beli nous accompagnait. La gestion même du vin Djongo, ce n’est pas moi. Je ne fais pas la distribution ni la vente. Djongo Diffusion quant à elle est une structure qui excelle dans la production, dans la diffusion et dans l’évènementiel. Parce qu’il nous arrive souvent de prendre la direction artistique de certains évènements. On s’est mis à jour, on paye régulièrement nos impôts, on fait en sorte de pouvoir soumissionner des marchés même au niveau international. Depuis lors, Djongo diffusion collabore avec Astuce, la boîte de Nacanabo, qui fait dans l’administration culturelle. Pour moi, faire des concerts c’est faire déjà des affaires. Négocier un bon cachet, c’est une affaire. Ce que nous faisons au Djongo club, c’est l’encadrement des artistes, les répétitions, la direction artistique, tout cela rentre dans la gestion de la boîte.

K.K : Quelle est votre relation avec le patron du « Paradis des meilleurs vins », Biyen Yeli ?

Bil Aka Kora : C’est d’abord une relation amicale. En toute franchise, c’est un ami et ça fait plus de 15 ans qu’on se connait. Il n’y a pas de faux fuyant entre nous. On se parle comme des amis. On est des frères aussi. Parce que, on est Kassena. C’est la première des relations que j’ai avec le parrain. Et surtout dans les moments difficiles, ses conseils aussi. C’est quelqu’un qui a beaucoup voyagé et qui a côtoyé pas mal de personnes. Il donne des conseils avisés. On a tous les deux, la valorisation de la culture Kassena et de notre culture en général. Avec le parrain, tout récemment on a envoyé une troupe Kassena, depuis Tiébélé jusqu’en Côte d’Ivoire pour aller faire des prestations. C’est le parrain qui a accompagné financièrement toute cette action. Et aussi à Tiébélé et dans les villages environnants, à chaque fois qu’il y a la sortie de masques, il met beaucoup d’énergie à financer. Je ne pourrais pas dire tout ce qui est de la relation, mais voilà de façon ramassée ce que je peux dire.

K.K : Acteur direct des industries culturelles et créatives, vous semblez être en marge du tohu-bohu du show-business. Pourquoi une telle posture ?

Bil Aka Kora : Parce qu’en général, je n’aime pas beaucoup parlé. Si ce n’est pas avec des proches, je n’aime pas parler. J’aime plutôt l’action que de parler. Les petites guéguerres, pour moi, je crois que le combat est ailleurs.

K.K : Que pensez-vous des trophées de récompense des œuvres musicales au Burkina Faso, les « Kundé d’or » ?

Bil Aka Kora : Je n’aime pas juger les domaines dans lesquels je ne m’y connais pas. Parce que la récompense, ce n’est qu’une récompense. Les critères de sélections m’échappent. Je sais qu’il faut sortir deux ou trois albums et il y a plein de catégories. Je ne sais pas la qualité du jury, je ne connais pas les vrais critères ou les vrais objectifs des Kundé. Mais ce que je sais, dans le domaine du show business pur et dur, un évènement où les gens peuvent bien s’habiller et aller se faire voir à la télé et se faire filmer, ce n’est pas mal.

K.K : Est-ce vraiment le « baromètre de la musique burkinabè » comme le prétendent ses promoteurs ?

Bil Aka Kora : Il y a plusieurs musiques burkinabè. Quand on prend les musiques d’inspiration traditionnelle ou des chansons d’instrumentistes, un gars comme Achille Ouattara ou Desy et les Sympathiques, je n’ai jamais vu leurs titres au Kundé. C’est pourquoi je parle de certaines musiques. Si c’est la musique populaire, ça doit être le baromètre. Puisqu’on donne la récompense à l’artiste qui a été le plus en vue. Si c’est de cette musique je répondrai oui.

K.K : En tant que coach vocal, quelles sont selon vous, les tares des artistes-chanteurs burkinabè ?

Bil Aka Kora : Je ne peux pas donner les tares de la musique burkinabè, cela suppose que je dois les écouter tous.  Mais ce que je sais, au Burkina Faso, on n’a pas une culture de chant comme dans certains pays côtiers où il y a la chorale, à l’église ou la cérémonie traditionnelle, qui est inclue dans la culture. Le chant en tant que tel, n’est pas dans la culture burkinabè.

K.K : Pourtant dans pleins de cérémonie coutumière des différentes ethnies, le chant est bien là.

Bil Aka Kora : Oui, mais pas les chants en chœur, pas les harmonies. En tout cas de mon point de vue. Parce qu’il faut souvent le pratiquer. Et quand on écoute les chanteurs burkinabè et les chanteurs africains de façon générale, la formation vient d’une chorale, de l’église ou de la rue comme pour nous autres. Mais ce qui manque, c’est le réel travail vocal. Quel qu’en soit le talent, la voix se travail, la respiration, l’émission de la voix se travaillent. Et ça manque beaucoup chez plusieurs chanteurs.

K.K : Qu’est-ce qu’il faut à la musique burkinabè dans son ensemble pour mieux se positionner au panthéon de l’industrie musicale africaine voire mondiale ?

Bil Aka Kora : La musique burkinabè sort déjà. Je crois que c’est le regard qu’on porte sur certaines musiques. Quand je prends l’exemple de quelques artistes tout comme ceux traditionnels, ils tournent énormément surtout dans la région de Bobo-Dioulasso. Les balafonistes, les djémbéfola, ça tournent énormément. On a la visibilité à travers un certain nombre de musiciens qui sont à l’étranger comme les Wendlaviim Zabsonré, les Koto Brawa, les Seydou Rasanga, les Désiré Somé, etc. Egalement Gabin, un burkinabè en Italie qui tourne partout dans le monde. En Autriche, je peux te citer Mamadou Diabaté qui est l’un des rares artistes noirs à avoir sa photo, exposée dans le musée où tu verras les clichées de Beethoven.  Mais tout ce qui est de la musique populaire et la communication, ça ne suit pas. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on a comme baromètre, c’est Trace Tv. Quelles musiques, on joue sur ces chaînes ? Tout ce qui est musique dansante, urbaine qui s’adresse à une frange de 15 à 25 ans. Si on veut vraiment rentrer dans les musiciens pratiquants qui jouent vraiment et qui pratiquent bien leur musique au Burkina Faso, il faut dire qu’on a des talents qui arrivent à sortir.

K.K : A quand le 6e album de Bil Aka Kora, son contenu et sa singularité ?

Bil Aka Kora : C’est pour très bientôt. Je ne peux pas tout vous dire. Je garde le suspens. Le 6e album, c’est déjà les collaborations que j’ai eues. C’est mon tout premier album coproduit avec Shamar Empire. La direction musicale a été confiée à Fabrice Devienne, un pianiste français de jazz. En fait, je ne trahis pas mes premières amours. Ce qui va se constater sur l’album, c’est peut-être le temps que j’ai mis pour le travailler. Ça risque de changer un peu.

Interview réalisée par Malick SAAGA

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