Greg Burkimbila : « Si je m’amuse honnêtement à répondre à cette question, je vais avoir chaud »
Certains s’interrogent en ce moment sur l’actualité et l’avenir de Song-Naba Grégoire Tongnoma dit Greg. Où est donc passé l’artiste depuis ces quelques années ? Après avoir rompu professionnellement avec la structure Afrimoov d’Ibrahim Olukunga, le Burkimbila, a rebroussé chemin avec le label Shamar Empire. Entre silence et présence irrégulière dans les grands rendez-vous culturels de l’heure, Greg nous entretient sur sa vie professionnelle et artistique. Kulture Kibaré l’a rencontré, le 16 septembre 2019, à Ouagadougou.
Kulture Kibaré : Greg est actuellement dans un silence inhabituel. Pour certains, l’artiste est presque dans l’oubli. Qu’est-ce qui peut bien expliquer cela ?
Greg Burkimbila : C’est l’occasion pour moi, de m’exprimer une fois de plus pour donner l’actualité sur l’artiste que je suis. Le Constat est que je ne suis pas dans l’oubli. Parce que j’ai mon public qui exprime en tout cas son amour, son besoin de me voir toujours sur scène. Même si je ne communique pas autant que les autres artistes, je suis toujours sur scène. Si je n’étais pas sur scène, ça n’allait pas aller. Je ne vis que de ça. Je serai en pâture, disons. Aujourd’hui, j’arrive à vivre de la musique, je ne fais rien d’autres que ça. Quand on dit qu’un artiste est dans l’oubli, c’est qu’il n’a pas de scène, il ne vit même plus de son art. Je pense que chaque artiste a sa manière de communiquer avec ses fans, avec son public. Je le fais à ma manière. Aussi, vu que j’ai traversé des situations difficiles avec mon ancienne équipe, j’essaie de faire un pas en arrière, question de mieux sauter. Parce que dans la vie, il faut souvent regarder derrière, ne pas seulement foncer tête baissée et avancer. Il faut souvent se remettre en question, se poser des questions et prendre du recule pour se mettre dans les mains de certaines personnes qui pourront mieux propulser ta carrière. Il ne faut pas le faire dans la précipitation, parce que tu peux te faire plus de mal que tu ne l’avais déjà fait.
K.K : Après le franc succès de « Laafi la boum fan » sous l’administration d’Afrimoov en 2012, vous décidez tout de même de rebrousser chemin avec le groupe Shamar Empire, votre actuelle structure de collaboration. Pourquoi ?
G.B : Ça fait déjà un bout de temps que les gens cherchent à savoir ce qui s’est passé entre moi et la structure de production Afrimoov. Mais les gens ne se posent pas la question à savoir, quel est l’artiste qui est né dans la musique et qui a fini toute sa carrière avec la même structure ? Il y’en a pas. Je ne sais pas, pour mon compte, que les gens trouvent ça bizarre. L’artiste, il va aller de maison en maison, tout au long de sa carrière. Il va quitter de A à B et de B jusqu’à Z peut-être. Fally Ipupa a commencé avec David Monceau. Aujourd’hui, il est avec d’autres majors. Les gens ne se posent pas trop de questions. Je ne sais pas pourquoi au Burkina, les gens s’attardent sur mon cas en se posant trop de questions par rapport à Afrimoov. J’invite plutôt les gens à se projeter vers l’avenir avec moi. Je veux que les gens se disent Greg, on t’a vu faire des choses en 2012. On aimerait te revoir faire plus que ça. Je ne veux pas que les gens s’attardent sur mon passé, je veux qu’ils m’aident à aller de l’avant et qu’on enterre le passé. Il est vrai qu’on ne peut pas oublier le passé mais qu’ils m’accompagnent à aller de l’avant avec d’autres perspectives, d’autres ambitions et d’autres visions. C’est vraiment mon souhait du fond du cœur.
K.K : Justement, qu’est-ce qui n’a pas marché avec Afrimoov ? C’est aussi ça la question.
G.B : Dans la vie, nul n’est parfait. On est 9 et on ne vaut pas 10. Il est arrivé à un moment où les ambitions, les visions de tout un chacun ont changé. J’aspirais à mieux, je voyais autres choses que la maison. Mais celle-ci ne voyait pas la même chose que moi. Quand nous sommes dans cette situation, naturellement, il y aura séparation. La maison voyait Greg au plan national, par exemple, mais Greg aspirait à mieux, être sur les grandes chaînes de télé comme Trace tv, B Black, DBM, Ivoire Mix tv, MTV, etc. Quand on arrive à un certain niveau où il faut être sur ces chaînes et que vous n’arrivez pas à positionner votre artiste, ça devient difficile. Car il aspire à mieux dans sa carrière.
K.K : En toute clarté, quel rapport vous lie en ce moment avec le groupe Shamar Empire ?
G.B : Actuellement j’ai signé avec Shamar Empire. Tout se passe bien. Je ne peux pas dire qu’on est en fin de concrétisation de quelque chose. Mais on est en train de mettre les petits plats dans les grands pour que quelque chose puisse sortir. Quand j’ai signé, on a réalisé déjà quelque chose pour prouver aux gens ma nouvelle signature. Il s’agit du clip Only love. Aujourd’hui, je prépare un album qui aura beaucoup de colorations. Toutes les conditions sont réunies avec la maison pour que tout se passe bien. Les fans, en tout cas auront ce qu’ils veulent. Il faut souligner que Shamar Empire gère toute l’administration de Greg.
K.K : Votre quatrième album a longtemps été annoncé mais jusque-là, aucune information relative. Dites-nous où vous en êtes.
G.B : Il y a actuellement des arrangeurs qui sont là. Même dans cette semaine, j’étais dans le studio de Eliézer Oubda. Parce que les gens ont longtemps réclamé leur live. Je pense qu’il est temps de leur offrir ce qu’ils veulent. Il y aura beaucoup de live dans l’album. Il y aura également pas mal de chose. Les gens m’ont longtemps réclamé et je ne veux pas venir encore et être indexé. J’ai longtemps lutté pour survivre. J’ai longtemps lutté dans ce milieu pour ne pas disparaître. « Greg, je sais ce que tu traverses mais le conseil que j’ai à te donner, fais tout possible pour ne pas disparaître. Débrouilles toi avec les albums que tu fais. Au moins, essaies de te maintenir pour que les gens ne t’oublient pas. Le moment reviendra où tu te reverras dans la grande lumière », tel a été le conseil d’un grand frère du milieu. Et c’est ce que j’ai fait jusque-là. Je sais que les gens attendent plus de moi, j’en suis conscient. Mais les gens n’ont pas l’idée de ce que les artistes du Burkina traversent comme difficultés. Ils ont envie de vous donner plus que vous pensez mais ils vivent des situations que vous ne savez pas.
K.K : Quelle est cette période sombre que vous avez vécue ?
G.B : Il ne s’agit pas d’une chute mais surtout des émotions. Dans la vie, vous allez rencontrer des personnes qui disent qu’elles vous aiment, qu’elles vont vous accompagner et tout, même jusqu’à aller vous promettre ciel et terre. Mais après, vous vous rendez compte que ces gens sont là, parce que ça va juste dans votre vie. Après ils vous abandonnent. C’est des choses qui marquent l’Homme et qui te font plonger dans un stress pas possible. Mais lorsque, aussi des gens viennent vers toi, pour te dire, nous sommes là, pour t’aider, ne te décourage pas, on va te soutenir, cela te fait réapparaître de l’océan.
K.K : Quelles sont les couleurs artistiques de vos prochains projets musicaux ? A quoi doit s’attendre le public concrètement ?
G.B : Quand un artiste réalise un album, il s’attend toujours à ce que ça plaise au public. Quand je réalisais Laafi la boum fan, je ne savais pas que ça allait marcher. Mais je faisais ce que j’aimais et je ne savais pas que ça allait plaire. C’était pour moi, l’amour de l’art. De même que l’album qu’on est en train de préparer, je ne sais pas si ça va plaire. Mais je fais ce que j’aime. Je me dis que si au fond de moi je kiffe, le le public va aimer. J’espère que l’œuvre qui sortira, les gens en raffoleront. Il y aura dans cet album du terroir, du wiré, du liwaga, de la pop. Il y aura du Greg tout comme au premier, deuxième et troisième album. Tout ça, c’est ce qui me fait. L’artiste, c’est tout un style mélangé. Dans mon premier, il y a eu du tout. Boin panga, c’était urbain, C’est tout ce que je sais, de la pop ; Sans toi rien ne va, de la pop. Bizarrement ce qui a manqué dans le premier album ; c’était du traditionnel. Il n’y en a pas eu. Personne ne l’a évoqué. C’est après qu’on me réclame des choses au deuxième alors que dans le premier vous n’en avez pas fait cas. J’essaie de combler un manque. L’album qui va sortir est du tradi-moderne. Je n’ai pas encore fini de l’enregistrer. Je suis toujours en train de cogiter pour encore approfondir les recherches et impacter encore plus le maximum de gens.
K.K : Pour avoir rompu avec Afrimoov et avec un peu du recul, quel est votre regard sur la politique du show-business au Burkina ?
G.B : Honnêtement, je ne sais quoi dire du showbiz burkinabè. J’ai du mal à faire un jugement parce que, c’est difficile. Ce milieu est tellement compliqué qu’il est difficile pour un artiste de répondre. Cette question est plus destinée à ma production qui pourra me dire exactement ce qu’il en est. Moi, en tant qu’artiste, je ne peux pas juger. Mais je peux juste dire que le showbiz change beaucoup. Le showbiz en 2012, n’est pas le même qu’aujourd’hui. Il est actuellement conditionné par pas mal de choses comme les réseaux sociaux. En 2012, Facebook n’était pas comme ça. C’est-à-dire que si tu n’es pas aujourd’hui fréquent sur les réseaux sociaux (Instagram, Twitter, etc.), c’est compliqué. En 2012, il fallait absolument passé par les radios et la télé parce que beaucoup de gens étaient accrochés à ces médias. Aujourd’hui, la donne a changé et c’est aux artistes de s’adapter. Si je m’hasarde à donner mon avis sur les acteurs du showbiz, je vais me créer plus d’ennemis, plus qu’il en est déjà. Ça ne m’arrange pas aujourd’hui car je suis en train de recoller des morceaux. Si je m’amuse honnêtement à répondre à cette question, je vais avoir chaud.
K.K : Pour cet album qui s’annonce, quelles sont les ressources possibles mobilisées ?
G.B : Shamar Empire, c’est une grande structure. Je pense que le budget et les ressources, c’est la production qui s’en occupe. L’artiste n’a rien à faire que de composer les chansons et venir s’exécuter. Je ne sais pas exactement combien, la maison a injecté. Je sais que tous les moyens nécessaires ont été mis pour que l’album se déroule comme il se doit. Shamar est une structure nouvelle. Elle est toute jeune comme moi-même si j’ai un peu plus d’expérience avec mes 7 ans derrière moi. Mais elle me laisse libre cours de choisir les arrangeurs que je veux. Elle ne m’impose pas un style. On m’a jamais dit ici, Greg fais-ci fais-ça. On me propose souvent des thèmes très importants car dans la vie, il ne faut pas chanter seulement les love. Il y a des thèmes à aborder et qui peuvent toucher plus les gens. Shamar Empire ne m’a jamais obligé quoi que ce soit, au contraire, c’est relax. Je suis content pour ça. Au niveau de l’arrangement, on me laisse libre cours. Il y a une chanson que j’ai arrangée et Shamar trouve que c’est très bien. Mais je reste sceptique car avec l’expérience du passé, j’ai veux laisser mon côté arrangement se reposer pour quelque chose de nouveau et de frais.
K.K : Qu’avez-vous de si important à dire et que nous n’avions pas pu évoquer dans ce présent entretien ?
G.B : Je pense qu’on a un peu tout ressassé. Beaucoup qui se posent des questions comme quoi Greg n’est pas là, je veux simplement leur dire que Greg est pourtant là. Certains disent qu’ils ne me voient plus sur des scènes. Il y a tellement de scènes au Burkina sauf qu’on ne se croise pas. Il est impossible qu’on se croise d’ailleurs sur toutes les scènes. Difficile de compter mes scènes. Je me suis jamais assis pour compter mes prestations, j’ignore vraiment la moyenne. En tout cas, je peux vous dire que je vis toujours de mon art. Je prépare mon retour et je ne sais vraiment pas quand.
Réalisé par Malick Saga SAWADOGO