Théâtre documentaire « Djessé » : Des ex-travailleurs de l’usine ex-Faso Fani se remémorent sur scène
La cité Fasotex, à Koudougou a accueilli, dans la soirée du 5 décembre 2024, la toute première représentation du spectacle « Djessé ». Initié par l'Association Théâtre Éclosion et interprété par des anciens travailleurs de l’usine ex Faso Fani ainsi que des étudiants, ce théâtre documentaire nous éclaire sur l’histoire de cette industrie du textile.
Le 21 octobre dernier, l’Association Théâtre Éclosion lançait officiellement la résidence de création du spectacle « Djessé ». Après près de sept semaines de travail, le projet a enfin vu le jour. Il s’agit d’un spectacle qui s’inspire de l’histoire de Faso Fani, une ancienne usine de textile créée en 1969 et basée à Koudougou, au Burkina Faso. Depuis sa fermeture en 2001, ses anciens employés, selon les témoignages, sont restés sans indemnisation voire abandonnés à leur triste sort. « Djessé » retrace cette rude épreuve sur une scène artistique et sous forme de théâtre documentaire.
La démarche pour la collecte des données
Le metteur en scène de la pièce « Djessé », Mamadou Soma et par ailleurs secrétaire général de Théâtre Éclosion, explique que pour être pertinent dans la démarche de création, il était indispensable d’impliquer les anciens travailleurs de l’ex Faso Fani. « Il fallait d’abord mener des recherches sur l’histoire de Faso Fani et, plus largement, du pays. Cela m’a fait comprendre que cette histoire touche même à celle du Capitaine Thomas Sankara, qui a été assassiné en 1987… Nous avons donc effectué des visites sur le site de l’usine et rencontré les anciens employés », a précisé ce doctorant en études artistiques. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2024/10/22/theatre-documentaire-social-la-rude-epreuve-de-lex-faso-fani-sous-les-projecteurs/
Le processus a inclus des interviews, des recherches documentaires et d’autres activités permettant aux anciens travailleurs de témoigner librement. Cette collecte, à en croire toujours M. Soma, a servi à recréer, de manière virtuelle, l’usine de l’ex Faso Fani d’où la structuration du spectacle en trois parties.
L’agencement des tableaux du spectacle
Alors, la première partie ouvre la pièce par une exposition de photos accompagnée de bruitage simulant les machines. La vue montre les bâtiments de l’usine, ainsi que des produits finis à base de coton. La deuxième partie met en scène des « âmes » errantes autour de l’usine, symbole de tous les travailleurs ayant perdu la vie pendant ou après la fermeture. Quant à la troisième partie, elle vous replonge dans l’atmosphère de l’usine à travers une représentation des activités quotidiennes du personnel.
Au-delà du désir d’obtenir réparation pour les ex-travailleurs, Mamadou Soma et ses collaborateurs entendent également innover dans l’approche artistique du théâtre. Une toute autre approche qui mêle performance, intégration communautaire et exploration de nouvelles formes théâtrales. Ils entendent ainsi, à les entendre, redéfinir les pratiques actuelles du théâtre.
Adama Mathurin Yameogo, septuagénaire ayant pris part au spectacle, fait partie des 153 anciens agents victimes de la toute première compression de l’usine en 1990. Il se dit vraiment soulager d’avoir participé au spectacle « Djessé ». « Quand nous avons été licenciés, une seule personne parmi nous a été rappelée. Cependant, jusqu’à présent, nous sommes toujours en attente de nos droits », a-t-il laissé entendre. Il espère que ce spectacle sensibilisera les jeunes pour qu’ils évitent de reproduire les mêmes erreurs politiques.
Même son de cloche chez Gilbert Nabi, un autre ancien travailleur de l’ex Faso Fani. Il confie d’ailleurs prendre part au projet, afin que Faso Fani ne tombe pas dans les oubliettes. Tout comme son collègue, il espère que le message véhiculé à travers le spectacle atteindra les personnes concernées et contribuera à restaurer la dignité de certains ex travailleurs.
Le spectacle « Djessé » reste à l’affiche jusqu’au 7 décembre 2024, toujours dans la cité Fasotex.
Ce projet de création a reçu le soutien financier de la Fondation Oumou Dilly et l’Association Béogo ainsi que l’appui matériel du Goethe-Institut au Burkina Faso, de Koudougou Doc, etc.
Boukari OUED
Kulture Kibaré