Mohamadi Gouem : Un technicien créateur utile et indispensable aux arts du spectacle vivant

Mohamadi Gouem : Un technicien créateur utile et indispensable aux arts du spectacle vivant

La maîtrise d’un spectacle vivant nécessite le concours de plusieurs compétences. Pas seulement artistiques, mais aussi techniques. Au-delà des comédiens qui sont sous les projecteurs, il y a ceux qui organisent et coordonnent tout dans l'ombre, pour la réussite de la représentation artistique. Mohamadi Gouem est l'un d'eux. Régisseur général de spectacle à l’Espace culturel Gambidi (ECG), nous l’avons rencontré pour vous, le 4 avril 2024 à Ouagadougou. Il s’est agi d’aborder le métier de la régie générale de spectacles vivants en général et son parcours professionnel en particulier. 

Mohamadi Gouem, 45 ans, a une compétence technique et créative indispensable à la production d’un spectacle vivant. Son visage est peut-être méconnu du grand public, mais il est adoubé par les comédiens de théâtre. Ceux qui fréquentent l’Espace culturel Gambidi (ECG) l’ont peut-être déjà côtoyé.

Mohamadi Gouem est toujours là avant, pendant et après le spectacle

De comédien à technicien de son et lumière

Il a pourtant débuté en 1993 comme comédien de théâtre dans la Troupe Eclat de SOSAF. En l’an 2000, il manifeste une folle envie de manipuler la console. Ce fort désir, au fil du temps, étouffait son apprentissage artistique du théâtre. Il est accepté dans l’écurie du professeur Jean Pierre Guingané en 2002 pour se familiariser avec le dispositif sonore et lumineux de l’ECG. Mohamadi Gouem saisit donc l’opportunité pour se former auprès de son mentor Emile Galbani. « J’ai vu la lumière à l’ECG. Je partais m’exercer un peu, puis j’ai demandé à être formé auprès du technicien de l’espace qui était Emile Galbani. Je l’aidais à sortir le matériel, à l’installer… », relate Gouem. Se rendant compte de la complexité de la régie, il décide tout de même de s’y aventurer sérieusement.

Une opportunité avec le professeur Jean Pierre Guingané 

Il s’inscrit à la formation en création son et lumière en prélude du Festival international de théâtre et de marionnettes de Ouagadougou (FITMO) 2003. « En 2003, on avait le FITMO. Jean Pierre Guingané avait proposé une formation en régie, animée par Jacob Bamogo. Mon mentor Emile Galbani m’a inscrit. J’ai suivi toutes les séances durant deux semaines pour aboutir à la plateforme du FITMO. On devait passer maintenant aux exercices pratiques, en fait, une sorte de restitution de ce qu’on a appris », explique-t-il.

Il espère voir évoluer son statut

Gouem a désormais trouvé sa voie. Il va alors parcourir le territoire burkinabè sous la houlette de l’ECG pour exercer son métier de prédilection. D’expérience en expérience, il se forge et se voit proposer un contrat tout en continuant de se perfectionner. « Ma formation s’est poursuivie en 2007. Le professeur m’a proposé une formation en Belgique. Je me suis perfectionné durant trois mois sur la création lumière et la scénographie. Je suis revenu et j’ai enchaîné avec le FITMO 2007 où Jean Pierre Guingané m’a nommé comme régisseur général », renchérit Gouem.

Un plaidoyer pour une prise en compte de leurs oeuvres dans la collecte des droits d’auteur

Sous nos contrées, les régisseurs son et lumière qui se réclament créateurs sont pourtant considérés comme de simples exécutants. D’ailleurs, ils ne perçoivent aucun droit d’auteur au Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA). Cela sous-entend qu’ils ne sont pas créatifs. C’est une perception biaisée, réplique Gouem. « Dans le milieu des arts vivants, il y a ce qu’on appelle le créateur son, le technicien son, le créateur lumière, le technicien lumière. Les gens confondent tout. Le régisseur général coordonne tout ce qui est régie en rapport avec la technique. Le créateur lumière, par exemple crée la lumière du spectacle. Le technicien lumière fait le montage des projecteurs et tout ce qui est technique autour de la scène. C’est la même chose que le technicien son. Il installe tout ce qui est sonorisation, à la différence du créateur son qui crée l’univers sonore du spectacle. Moi, actuellement, en tant que régisseur général, je coordonne toutes ces tâches », confie-t-il. Et d’insister que le créateur lumière ou le créateur son est toujours en contact avec le metteur en scène pour bien connaître ses intentions de la mise en scène.

Un créateur son et lumière n’est pas un simple exécutant

A l’en croire, le créateur son ou lumière doit s’imprégner du texte de la pièce, le comprendre afin d’adapter la lumière et le son appropriés. « Moi, particulièrement quand je prends un texte, je le lis d’abord pour comprendre puis le décortiquer. C’est en fonction de l’intention de la mise en scène que je crée ma lumière et le son. Pour moi, nous sommes des artistes… nous jouons avec la lumière et le son en même temps que les comédiens sur scène. Notre partition fait partie de la création », soutient Gouem.

Dommage, regrette-t-il, que bon nombre ignorent encore leurs capacités créatives. Pis, ils sont considérés comme de simples exécutants, de simples accessoiristes du comédien. Et pourtant, de notre constat, le technicien du son et lumière intervient toujours avant le spectacle pour s’assurer que tous les équipements sont opérationnels. Il joue pendant le spectacle derrière sa console (plus souvent loin des regards du public), et poursuit son travail après le spectacle pour ranger soigneusement le matériel.

Ce métier ne dispose pas de cadre de formation académique au Burkina Faso. La plupart des adeptes ont appris et apprennent sur le tas. Ceux qui ont la chance complètent leur formation en Europe et ailleurs.

Quand la presse s’intéresse à lui hors des frontières du Burkina Faso

Membre de quelques rares associations de techniciens son et lumière, Mohamadi Gouem avec ses pairs œuvrent à la valorisation de leur statut d’où le combat pour la prise en compte de leurs œuvres dans la collecte des droits d’auteur. Même si cela tarde à se concrétiser, certains d’entre eux, pour mieux s’épanouir ont déjà revu le prix de leur compétence à la hausse. « Aujourd’hui, il faut le reconnaître, le métier est professionnel. Je vis de ça, je nourris ma femme et mes trois enfants grâce à ce que je gagne. Il y a dix ans, je percevais minimum 200 000 FCFA dans mes créations lumière et son. Aujourd’hui, je suis à 600 000 FCFA minimum », révèle Gouem.

Il a pour ambition de créer aussi son espace pour assurer la transmission. Pour ce faire, il multiplie les projets afin de mobiliser les ressources nécessaires pour cet investissement.

Ram OUEDRAOGO

Kulture Kibaré    

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