Burkina Faso : Les critiques de cinéma aux abonnés absents
En dépit des états généraux du cinéma burkinabè organisés en 1997 avec à la clé une kyrielle de recommandations, le 7e art burkinabè, faut-il l’admettre, est à la croisée des chemins. D’année en année, la qualité des films burkinabè va decrescendo au grand dam des cinéphiles.
Les raisons de ce mal être sont plus ou moins connues et ont été évoquées à maintes reprises dans les colonnes de Kulture Kibaré…sauf une : l’absence de critiques de cinéma et surtout dans les médias burkinabè. De notre observation, il n’existe pratiquement pas de critiques de cinéma au Burkina Faso. Gravissime pour la presse culturelle et par ricochet la « capitale du cinéma africain »!
Le critique de cinéma apporte un regard critique sur toutes les nouvelles productions cinématographiques. il a, de ce fait, un carnet d’adresses très fourni qui lui permet de voir avant le public les nouvelles productions cinématographiques. Il peut alors être un journaliste ou un professionnel du 7e art.
Comme on le constate, la plume, la voix ou la signature du critique de cinéma est déterminante dans la réussite ou l’échec d’un film. Car, il est caractérisé par sa critique objective, sa capacité à argumenter, persuader (ou dissuader) le cinéphile ou le convaincre. Malheureusement, nous manquons cruellement de ce type de profil, c’est-à-dire un journaliste critique de cinéma qui influence le choix du cinéphile au Burkina Faso.
Cependant, il ne faut pas jeter l’eau du bain avec le bébé. Depuis deux décennies, en effet, des structures telles l’Association des Critiques de Cinéma du Burkina (ASCRIC-B), tentent, à travers une semaine de la critique cinématographique, de changer la donne. A l’occasion de l’édition 2022 de la Semaine de la critique de cinéma de Ouagadougou (SERICO), l’ASCRIC-B organise, en effet, du 6 au 12 septembre 2022, une session de formation sur la critique du cinéma au profit des hommes et femmes de médias. Cette initiative entre certainement en droite ligne des missions que s’est assignée cette association qui sont, entre autres, de renforcer la collaboration entre les critiques et professionnels du métier du cinéma et de l’audiovisuel, d’instaurer une tradition de la critique du cinéma dans les organes de presse en vue de sensibiliser le public au langage cinématographique et de promouvoir les films africains en général et burkinabè en particulier. Une initiative louable donc à plus d’un titre.
Toutefois, la tâche ne semble pas aisée pour les initiateurs sus-cités. Quel bilan peut-on, en effet, dresser plus de deux décennies après la création de l’ASCRIC-B et de la SECRICO ? Ont-elles vraiment suscités des vocations ? Existe-t-il vraiment des critiques de cinéma dans les médias burkinabè ? Qui sont-ils alors ? Nous le savons pourtant bien, il y a plus de journalistes dit culturels ou des critiques « généralistes » que des spécialistes, focalisés sur une discipline artistique donnée. Nous avons encore peut-être du chemin.
Une certitude demeure néanmoins. Le 7e art du pays des Hommes intègres continue de sombrer, au fil des ans, dans de l’à-peu-près, faute évidemment de critiques de cinéma à même de porter de manière crédible un regard critique au plan artistique, esthétique et technique sur les nouvelles sorties. Et pendant ce temps, l’ASCRIC-B et la SECRICO continuent de faire du surplace sans un réel impact sur la qualité des œuvres cinématographiques produites au Burkina Faso.
Aussi, au lieu de passer le temps à pondre des comptes-rendus fades et laudateurs sur tel ou tel film, les journalistes culturels doivent dorénavant s’intéresser à la critique de cinéma. Ils doivent se spécialiser, se cultiver et s’intéresser aux films burkinabè. Car, grâce à leur regard critique, nos cinéastes burkinabè pourront s’améliorer et le cinéma burkinabè connaitra évidemment des jours meilleurs.
La Rédaction