MASA 2022 : Souleymane Coulibaly dépeint les conséquences désastreuses des produits prohibés
« C’est le désordre dans les supers marchés, c’est encore nous qui consommons vos produits périmés. Quand j’y songe, j’ai des craintes pour notre santé, les pharmacies sont trop chères et nos mères ne peuvent payer, ce qui explique le fort taux de mortalité, le fort taux de comprimés dans nos rues exposées », voici les inquiétudes soulevées dans Vision de vie par le rappeur burkinabè, Smarty, prix Découverte RFI 2013, et qui illustrent bien la substance de la pièce « Vendeur de cauchemars ». C’est la représentation théâtrale de la compagnie « Win art », qui était à l’affiche du Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA), dans la salle Niangoran Porquet, hier 7 mars 2022.
Une entrée assez timide, pas lents, il avance. Comme s’il avait perdu tout espoir de vivre, Souleymane Coulibaly vit visiblement un mal, une amertume. Silence, gestuelles, va-et-vient dans ses corridors. Il enfile enfin sa blouse. Là, le public aperçoit un médecin. Mais de quel médecin s’agit-il ? Les premières paroles du comédien laissent tout de suite percevoir, un sans-emploi, contraint de vendre des médicaments prohibés dans la rue pour gagner sa vie. Le malheureux vend ses produits illicites à moindre coût sans se soucier des conséquences. C’est un médecin non conventionnel qui exerce sans aucune qualification. En réalité, c’est un « vendeur de cauchemars ».
Dans ce seul en scène, Souleymane Coulibaly, caricature les pharmacies parterres, un phénomène bien réel dans nos villes africaines. Il entre dans la peau d’un vendeur insoucieux, mais qui finit par se résigner. Car les effets secondaires de ses produits sur ses clients le perturbaient au point de le voir se culpabiliser.
Souleymane Coulibaly projette des images choquantes pendant le jeu pour jouer sur la conscience collective. C’est l’émoi dans la salle et celui qui interprète la pièce n’est pas aussi insensible.
Cette adaptation du texte de Ben Okri est assez vivante et émotionnelle. Le comédien se sent bien dans sa peau et naturellement le public est emporté dans l’aventure. Ici, le message est simple : les médicaments de la rue ne sont pas sans conséquences. Le phénomène a pourtant pignon sur rue dans nos villes africaines. Puisque les couches démunies y ont accès pour se soigner. Est-ce la bonne pratique ?
Nous avons apprécié cette pièce de théâtre et bien évidemment le public aussi. Mais aucune œuvre humaine n’étant parfaite, le jeu d’acteur a laissé percevoir une incohérence. La brisure du quatrième mur dans le théâtre, a été brusque et subite sans qu’on ne sache pourquoi les spectateurs sont devenus partie intégrante de la pièce. Lorsque le comédien introduisit le public, il a manqué un pont cohérent. Pourquoi il parle aux spectateurs et leur partage des sucettes sans situer le contexte ? Il fallait convoquer la situation dramaturgique. Nous sommes restés perplexes.
Peut-être que les deux metteurs en scène de la pièce que sont Souleymane Sow et Abdel Marc Camara pourront revoir ce construit avant la prochaine représentation. Qu’à cela ne tienne, cette observation ne saurait enlever la qualité du spectacle servi.
Malick SAAGA depuis Abidjan (Côte d’Ivoire)
Kulture Kibaré