Clips « obscènes » burkinabè : Les chaînes perceptibles de la domination
Le clip de la chanson « Selamin » de l’artiste-rappeur burkinabè, Kayawoto est d’actualité. Disponible sur sa page Youtube, depuis quelques jours, l’œuvre ne cesse de faire de gorge chaude. Si certains mélomanes ou les Maoulandais (fans supposés de l’artiste) n’y ont vu aucun inconvénient par rapport aux images, d’autres par contre, ont vivement condamné et les paroles et les tenues osées des filles dans le clip. A leurs yeux, ce n’est ni plus ni moins que de l’apologie de la dépravation sexuelle à l’état pur.
Face à cette volée de bois vert, le rappeur Kayawoto s’est vu obligé de se défendre sur un plateau d’une télé de la place. Malheureusement, le « roi de la Maouland » s’y est maladroitement pris en parlant à tort ou à raison, de sa manière à lui d’éduquer la jeunesse. De quelle jeunesse s’agit-il ? Pour quel message? Le thème de « Selamin », à y écouter les paroles, est aussi éloigné des mœurs pudiques.
Le Burkina Faso n’est pas l’Amérique. Au pays des Hommes intègres, jusqu’à preuve de contraire, la liberté d’expression proclamée ne signifie pas libertinage. Pourtant les œuvres musicales urbaines qui ont pignon sur rue tendent, au vu et au su de tous, à être libertines. Ce n’est pas la première fois qu’un artiste chanteur burkinabè se retrouve sous les feux des projecteurs après la sortie d’une chanson ou d’un clip qui porte peut-être atteinte aux bonnes mœurs et aux fondamentaux même des valeurs burkinabè.
David Le Combattant, l’ex-membre de la défunte formation, « Faso Kombat » en sait quelque chose, lorsqu’il avait sorti son clip « C’est doux doux dèh », taxé d’obscène et immoral. Kayawoto a visiblement pris la relève depuis la diffusion du clip « Rakanra biiga », aussi critiqué par une bonne partie de l’opinion. Ce jeune homme ne s’inscrit-il pas dans les mœurs de son époque? N’est-il pas cohérent avec son engagement musical? N’est-ce pas ce que ses fans demandent? Mais, attention !
Par ces clips, les chaînes de la domination musicale sont toujours perceptibles. Les filles dénudées ou à moitié nues ou encore en bikini ont toujours fait partie du décor naturel de certains clips de rap américains ou des autres musiques urbaines et assimilées. Plus de 40 ans après, nos jeunes artistes burkinabè n’ont pas encore compris, que ces productions américaines sont le reflet d’une société américaine où la drogue, le sexe, la mafia, etc. étaient des pratiques courantes. Et par rapport à l’environnement socioculturel burkinabè, peut-on en dire autant? Il faudrait mieux définir son engagement, son identité intrinsèque et son originalité pour mieux s’affirmer en tant qu’ambassadeur culturel.
Ce n’est pas en s’y prenant de cette façon avec des clips américa-nisés que les jeunes burkinabè pourront s’imposer sur l’échiquier musical international. La conquête du marché de disque international devient une grande illusion illusoire (excusez-nous de la tautologie). Les Américains ayant déjà mis la barre très haut, les mimer ou les plagier, pratiquement 40 ans après, ne fera que produire un effet infécond. Puis que, la copie ne s’imposera pas devant l’original.
Chaque société repose sur une culture qui renferme des faits, des normes et des valeurs qui sont intrinsèques. Ce qui a donné l’Etalon d’or de Yennenga au FESPACO à Idrissa Ouédraogo ou à Gaston Kaboré par exemple, c’est l’originalité et l’authenticité des faits sociaux traités dans leurs œuvres respectives. Nous devons nous le rappeler toujours.
Tous ces jeunes artistes-musiciens burkinabè qui persistent avec ces genres de clips ne feront que s’emballer dans le ridicule face à un marché international. Car, c’est du déjà vu et du déjà entendu. Les Américains, une fois de plus ont fait mieux.
A y voir clair, dans le concert des nations nos jeunes ambassadeurs culturels musicaux n’auront rien à brandir. C’est de ça qu’il s’agit. Soit on se résigne en l’acceptant, soit on assiste impuissant à une progression absurde et burlesque des productions artistiques. Dans tous les cas, « Tout ce qui dégrade la culture, raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », disait Albert Camus.
La Rédaction