Yeleen/Faso Kombat : Du rêve au cauchemar

Ils sont des milliers de Burkinabè voire Africains à être déçus des quatre garçons qui composaient pourtant les formations musicales Yeleen et Faso Kombat. Sans être dans le secret des dieux, leur break est aujourd’hui leur plus grand cauchemar, certainement. Il faut juste constater avec son bon sens la difficile conquête de chacun d’eux.

Les lettres d’or du rap burkinabè

Manwdoé, Smarty Malkhom et David ont fait rêver tout un pays, tout un continent. Ils ont contribué à écrire en lettre d’or les pages de la musique urbaine burkinabè à travers le rap, au début du deuxième millénaire. Les mélomanes, disons tous les Burkinabè, étaient si fiers d’eux pour la façon dont ils se sont appropriés le rap, et lui donnant une coloration burkinabè particulière. Yeleen et Faso Kombat ont participé à faire de Ouagadougou, le carrefour incontournable du mouvement hip hop en Afrique. Il y avait de la matière artistique à revendre. Mais voilà que des comportements saugrenus sur fond d’égo surdimensionné stoppent l’élan de quatre jeunes potentiellement compétitifs. C’est fort regrettable … c’est si dommage …

En 2011, Smarty larguait publiquement son coéquipier Manwdoé après une dizaine d’années de parcours truffé de succès. Trois ans après, soit en 2014, c’est Malkhom et David qui s’écroulent au pied du mur.

Ailleurs, des groupes musicaux ont su traverser le temps, malgré les tempêtes, vents et marrées, pour se hisser au panthéon du showbiz africain et européen. Le groupe ivoirien Magic System en est un bel exemple avec ces plus de deux décennies d’aventure à quatre.

Le mauvais exemple pour les formations musicales

Mais alors, qu’est-ce qui n’a pas marché avec nos quatre valeureux artistes du Burkina Faso ? Dites-le, l’effondrement de Yeleen et Faso Kombat est une  déception, un pire cas d’école pour tous ces jeunes musiciens qui ambitionnent conjuguer en duo leur art.

Ces lignes n’ont pas pour vocation de réconcilier. Non. Ces jeunes sont suffisamment adultes pour décider de leur sort. Elles n’ont également pas cette prétention de situer les responsabilités dans la déchéance. Non. L’écrit part d’une observation et interpelle, les concernés sur une autoévaluation artistique de leurs parcours individuels.

Des décollages individuels difficiles

Manwdoé, Smarty Malkhom et David n’ont pas eu jusque-là, la même notoriété qu’hier. Après huit (8) ans de break pour les uns et cinq (5) ans pour les autres, le cheminement dans une carrière solo semble difficile et amère. Aujourd’hui, tous les quatre jouent dans la catégorie des poids plumes. C’est un fait. La personnalité imposante qui caractérisait chacun d’eux (lorsqu’ils étaient en groupe) n’est plus à comparer à celle d’aujourd’hui. C’est encore un fait.  En plus de tourner en rond, chacun cherche individuellement à reconquérir, bec et ongle un public qu’il avait pourtant conquis et séduit si aisément.

Manwdoé tourne en rond

Mawndoé avec ces albums individuels, n’a vraiment pas pu marquer la différence ou un pas de création en avant par rapport aux cinq (5) albums de Yeleen. Aussi, dans sa conjugaison musicale solo, il donne l’air d’un Yeleen  mais seulement sans Smarty. Toute chose qui laisse percevoir, qu’il n’y a pas eu un travail de recherche poussé pour surseoir les albums collectifs. Le Tchado-burkinabè tourne artistiquement en rond sans pouvoir faire rêver son public d’antan.

Smarty tâtonne dans le chant

Smarty a rangé l’artistique pour s’emparer de la musique bon marché. Malgré son prix Découverte RFI (qui reste un prix), le rappeur décolle si difficilement. Il avait, dans un premier temps trouver sa voie avec les Kundé blues. Mais cette aventure fut de courte durée. L’artiste est passé du rap au chant en laissant trainer assez de lacunes techniques dans ses envolées lyriques. A l’écouter chanter, il tâtonne. Il s’y entête et laisse paraître un amateurisme béant. N’dolé, Bienvenue chez moi, etc. sont autant pâles et fades. En plus, il n’est pas tout à fait juste dans quelques notes en tant que professionnel. Le chapeau du chef, texte repris à l’examen du baccalauréat reste son plus grand exploit solo. Il aurait pu mieux aborder dans cette lancée pour prouver aux fans de Yeleen qu’il a eu raison de se soustraire de Manwdoé. Hélas, aujourd’hui aucun des deux ne pèse lourd dans l’arène musicale africaine. Ils se contentent de la célébrité d’hier pour asseoir leurs différents projets autres qu’artistiques.

Malkhom a perdu du Malkhom

Malkhom avait un flow de feu. Certains restent toujours nostalgiques à  ses vers dans martyrs (avec Alif Naaba), diamant miroir, ghetto biiga, même combat (feat Yeleen Faso Kombat), etc. Cette belle époque est révolue. Le rappeur a fondu dans sa personnalité artistique et dans son rap. Il patauge dans l’afro trapp avec ses jeunes frères d’hier qui s’identifiaient à lui. Mais cette référence, c’était avant. Malkhom a perdu du Malkhom et musicalement, il a du mal à convaincre.

David a complètement décalé

Quant à David le Combattant, c’est un virement à 180 degrés. Il s’est reconverti en crooner. Cette farce si flagrante est complètement décalée du David de Faso Kombat. Celui-ci avait ébloui un soir, à l’Institut français de Ouagadougou lors du Festival Ouaga Hip hop, tellement il débordait d’énergie, de rage avec son micro. Avec son coéquipier, ils ont mis le feu à la salle, comme on le dit, dans une parfaite complicité. Ils étaient complémentaires, vrais et enviés. Le David d’aujourd’hui est « mort » artistiquement après plusieurs tentatives pour asseoir des concepts inappropriés (vues les pesanteurs socioculturelles qui s’imposent au pays des Hommes intègres).

En somme, c’est dire que ces quatre garçons ont fait rêver tout un pays et même tout un continent. Mais aujourd’hui, c’est un profond regret artistique qui est constaté. Ils ont pris des années pour essayer de redresser la pente. Hélas ! Ils ne sont pas encore arrivés à faire mieux dans leur individualité que dans leur regroupement. Ils sont toujours en quête d’une voie individuelle authentique.

Espérons que cela se fasse. Seulement, il faut juste parfois savoir encaisser la douleur aussi profonde soit-elle, savoir aller au-delà de son « moi » et faire des sacrifices pour poursuivre les objectifs du « nous ». Car, c’est parce que les Hommes sont différents qu’ils se ressemblent. Aujourd’hui, le coup est dur à supporter et un choix s’assume.

La Rédaction