Spectacle « Mangeuses d’âmes » : La rude épreuve des femmes victimes de violences sociales
Après la grande première au Théâtre Paris Villette (France) en juin dernier, le spectacle « Mangeuses d’âmes » est à l’affiche à Ouagadougou (Burkina Faso). La première représentation, le 12 décembre 2024 à Grâce Théâtre cité An 3, a présenté une chorégraphie qui dénonce en partie les violences sociales faites aux femmes. Sans trancher sur une quelconque juridiction traditionnelle, les quatre danseuses tentent de décrire sur scène, le phénomène social tout en proposant une médiation artistique pour une réinsertion des victimes.
Quelqu’un ou quelqu’un connaît quelqu’un qui connaît au moins quelqu’un qui a déjà subi une violence. Ça, c’est certain ! Mais, quel peut être ce type de violence ? Le spectacle chorégraphique « Mangeuses d’âmes » évoque une violence sociale notamment une stigmatisation sociale toujours perceptible sous nos cieux où des femmes sont accusées à tort ou à raison de sorcellerie. Exclues et bannies, ces victimes au Burkina Faso, sont accueillies dans le Centre Delwendé de Sakoula pour un traitement plus humaniste. Quoi de plus salutaire dans un Etat de droit ?
S’il existe toujours des formes de juridiction traditionnelle pouvant conduire à l’exclusion sociale d’un individu pour cause de sorcellerie, qu’elles soient légitime ou pas, la danseuse et chorégraphe burkinabè, Salamata Kobré engagée contre les violences faites aux femmes, veut comprendre. Son indignation face au triste sort des pensionnaires du Centre Delwendé de Sakoula va l’amener à mener des recherches suivies d’une création, facilitées par l’Institut français de Paris, l’Ambassade du Grand-Duché de Luxembourg au Burkina Faso, et avec l’appui du Ministère burkinabè de la communication, de la culture, des arts et du tourisme (MCCAT) et du Bureau burkinabè du droit d’auteur (BBDA). Elle a, alors, collecté en amont les préjugés et d’autres données avant de se projeter au milieu des victimes pour tenter une médiation par la force de son art chorégraphique et réparer dit-elle une injustice sociale. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2024/05/06/danse-choregraphique-le-spectacle-mangeuses-dames-en-gestation-depuis-lallemagne/
C’est toute la quintessence du spectacle « Mangeuses d’âmes » qui, par le mouvement du corps interroge la société, expose les douleurs muettes des victimes qui portent toujours les stigmates et montre la résilience. La pièce est une aventure à la fois silencieuse et résonnante. Halimata B Koussé, Hortence Ouédraogo, Comba N’Diaye dite 314 du Sénégal et Salamata Kobré sortent les pas, les voix et les cris tout en laissant les spectateurs dans l’émotion. La scénographie, la lumière, le choix des costumes vous embarquent naturellement dans l’univers de victimes souillées et meurtries dans leurs âmes. Et cela se perçoit aisément dans l’agencement des tableaux chorégraphiques.
« Mangeuses d’âmes » est certes une représentation, mais c’en est bien plus. Elle traduit les violences faites aux femmes et même aux hommes qui au-delà, de l’accusation à tort ou à raison de sorcellerie, vivent la marginalisation, l’exclusion sociale et les autres formes de rejet en communauté. Cependant, la recherche chorégraphique de Salamata Kobré ne se contente pas de dénoncer, elle se révèle être une compassion, un pansement des plaies muettes, un soulagement des peines, une danse thérapeutique pour guérir les victimes.
C’est pourquoi l’Association Fondalè à travers la Compagnie Salamata Kobré a initié en amont, un « atelier danse thérapie » au profit de plus d’une dizaine de pensionnaires du Centre Delwendé de Sakoula, sous la direction artistique de Sidiki Yougbaré. Cette expérience a contribué à « libérer » naturellement quelques victimes, mieux les propulser sur une scène artistique d’où une restitution en lever de rideau. Lire aussi : https://kulturekibare.com/2024/10/27/atelier-danse-therapie-la-cie-salamata-kobre-outille-les-pensionnaires-du-centre-delwende-de-sakoula/
Ce projet chorégraphique « Mangeuses d’âmes » est aussi une occasion pour lever des fonds au profit des pensionnaires du centre Delwendé de Sakoula.
Pour les trois dernières dates encore inscrites (13, 20 et 21 décembre 2024), vous pouvez contribuer à un meilleur traitement de ces femmes, socialement cloisonnées.
Ram OUEDRAOGO
Kulture Kibaré